samedi 9 février 2013

Littérature alimentaire


Trouvé dans le commentaires du site Libé

Littérature alimentaire

Tout était calme dans la boulangerie-pâtisserie quand un bâtard bien blanc posé à l’extrême droite du présentoir bouscula un congolais qui n’avait pas salué une religieuse. Un gland hurla que « c’était un peu fort de café », un divorcé voulait « faire marcher tout le monde à la baguette » pendant qu’un vieux baba cuvait son rhum en chialant comme une madeleine. Tout le monde était dans le pétrin et les pains volaient lorsqu’un quatre-quarts de police arriva pour mettre de l’ordre avant l’arrivée du boulanger, une bonne pâte qui parfois avait du mal à se lever… A la base c’était une histoire de blé. Ceux qui s’étaient fait rouler dans la farine trouvaient que ce n’était ni du gâteau ni de la tarte.
« Vous voulez un pain aux céréales ? »
« Non, je veux un pain de plastic, j’ai envie de m’éclater aujourd’hui »
Le boulanger fait la gueule. Déjà qu’il avait pas aimé le coup du bâtard bien blanc à l’extrême droite. Comme j’avais pas un radis il m’a filé un pain. Dans la tête. J’étais dans les choux comme ces cornichons dans les navets à la télé. Quelque chose en moi hurlait :« cours ! jette ! » mais j’avais plus la frite. Le raisin coulait de mon nez et ca tournait vinaigre. J’avais peur de prendre un pruneau, mais une aubergine qui passait appela les poulets. Quand j’ai débité mes salades, ils m’ont emballé en disant qu’on allait me sucrer mes allocations fromage ET dessert et que j’avais intérêt à me mettre à table.
Dans la boulangerie, un financier s’inquiétait de l’avenir des croissants. « il y a de moins en moins de galette, disait il, faut faire vite si on veut s'en payer encore une tranche". C'était la fin des haricots sauf pour les fayots et les huiles, les seuls à pouvoir encore tailler une bavette. Les autres, à la portion congrue, attendaient, bien beurrés, qu'on les fasse revenir. Ils poireautaient en rangs d'oignon et se faisaient du sushi pour le futur. A la louche, on estimait que les vieux sucraient les fraises en attendant la mise en bière, mais que les jeunes n'étaient pas assez mûrs. L'addition risquait d'être salée.
Sans en faire tout un plat, il y avait de quoi se mettre la rate au court-bouillon. On utilisa alors la vieille recette : laisser mitonner dans leur jus ceux qui n’étaient pas dans leur assiette et les faire réduire à feu doux. Les pauvres gars en avaient ras le bol de compter pour du beurre après avoir été pressés comme des citrons. On leur demandait de mettre les bouchées doubles et d’appuyer sur le champignon au moment où ils restaient en carafe. Le pire c’est que ceux qui faisaient leurs choux gras de la situation et vivaient comme des coqs en pâte se traînaient presque tous des casseroles, ce qui ne les empêchait pas de se prendre pour le gratin de la société, même lorsqu’ils se faisaient griller. Jusqu’ici ils avaient eu le cul bordé de nouilles, mais ils commençaient à marcher sur des œufs et cherchaient à qui refiler la patate chaude. Une chose était certaine : on n’était pas sorti de l’auberge !

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