N'oubliez pas que Stendhal se lit toujours par ironie, et qu'il détestait les curés. J'en connais qui apprécieront particulièrement le dernier paragraphe, d'autant qu'on apprend juste avant que l'évêque d'Agde est une andouille. Chef d'oeuvre comique d'une chapelle "ardente", très, très "ardente"... c'est-à-dire....... EROTIQUE ! Et tout pour contenter le Dr Freud :... les jeunes vierges, le passage étroit, les cierges phalliques, le sang qui coule, la marque "perpétuelle" au sortir de la chapelle, la petite mort, l'épectase du saint (jouissance), le monopole des mâles, etc. Il faut être Stendhal pour réussir un chef d'oeuvre pareil ! Quel sacrécoquin ! " [...] Mais le roi est venu pour vénérer la relique, et je ne vois point de relique? Où sera saint Clément ? Un petit clerc, son voisin, apprit [à Julien Sorel] que la vénérable relique était dans le haut de l'édifice dans une "chapelle ardente". Qu'est-ce qu'une chapelle ardente ? se dit Julien. Mais il ne voulut pas demander l'explication de ce mot. Son attention redoubla. En se mettant en marche pour la chapelle ardente, Monseigneur d'Agde appela l'abbé Chélan ; Julien osa le suivre. Après avoir monté un long escalier, on parvint à une porte extrêmement petite, mais dont le chambranle gothique était doré avec magnificence. Cet ouvrage avait l'air fait de la veille. Devant la porte étaient réunies à genoux vingt-quatre jeunes filles, appartenant aux familles les plus distinguées de Verrières. Avant d'ouvrir la porte, l'évêque se mit à genoux au milieu de ces jeunes filles toutes jolies. Pendant qu'il priait à haute voix, elles semblaient ne pouvoir assez admirer ses belles dentelles, sa bonne grâce, sa figure si jeune et douce. Ce spectacle fit perdre à notre héros ce qui lui restait de raison. En cet instant, il se fut battu pour l'inquisition, et de bonne foi. La porte s'ouvrit tout à coup. La petite chapelle parut comme embrasée de lumière. On apercevait sur l'autel plus de mille cierges divisés en huit rangs séparés entre eux par des bouquets de fleurs. L'odeur suave de l'encens le plus pur sortait en tourbillon de la porte du sanctuaire. La chapelle dorée à neuf était fort petite, mais très élevée. Julien remarqua qu'il y avait sur l'autel des cierges qui avaient plus de quinze pieds de haut. Les jeunes filles ne purent retenir un cri d'admiration. Bientôt, le roi arriva, suivi du seul M. de La Mole et de son grand chambellan. Les gardes eux-mêmes restèrent en dehors, à genoux, et présentant les armes. Sa Majesté se précipita sur le prie-Dieu. Ce fut alors seulement que Julien, collé contre la porte dorée, aperçut, par-dessous le bras nu d'une jeune fille, la charmante statue de saint Clément. Il était caché sous l'autel, en costume de jeune soldat romain. Il avait au cou une large blessure d'où le sang semblait couler, l'artiste s'était surpassé ; ses yeux mourants, mais pleins de grâce, étaient à demi fermés. Une moustache naissante ornait cette bouche charmante, qui à demi fermée avait encore l'air de prier. A cette vue, la jeune fille voisine de Julien pleura à chaudes larmes, une de ses larmes tomba sur la main de Julien. [...] L'évêque d'Agde demanda au roi la permission de parler. Il finit un petit discours fort touchant par des paroles simples, mais dont l'effet n'en était que mieux assuré. - N'oubliez pas, jeunes chrétiennes, que vous avez vu l'un des plus grands rois de la terre à genoux devant les serviteurs de ce Dieu tout-puissant et terrible. Ce serviteurs faibles, persécutés, assassinés sur la terre, ils triomphent au ciel. N'est-ce pas, jeunes chrétiennes, vous vous souviendrez à jamais de ce jour ? vous détesterez l'impie. A jamais vous serez fidèles à ce Dieu si grand, si terrible, mais si bon. A ces mots, l'évêque se leva avec autorité. - Vous me le promettez ? dit-il, en avançant le bras d'un air inspiré. - Nous le promettons, dirent les jeunes filles, en fondant en larmes. - Je reçois votre promesse au nom du Dieu terrible ! ajouta l'évêque d'une voix tonnante. Et la cérémonie fut terminée. Le roi lui-même pleurait. Sa Majesté daigna permettre aux demoiselles qui l'avaient accompagné dans la chapelle de porter un ruban rouge sur lequel étaient brodés ces mots : HAINE DE L'IMPIE, ADORATION PERPETUELLE." Le Rouge et le Noir, éd. Classiques Garnier, p. 108-109.
PS. Comme toujours ce blog est à la pointe de l'actualité !
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Sur Stendhal :
http://lefenetrou.blogspot.fr/2013/02/stendhal-et-les-mathematiques.html
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http://lefenetrou.blogspot.fr/2012/04/les-cenci.html
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