vendredi 24 janvier 2014

Jacques Arsac est décédé

le 14 janvier 2014
http://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Arsac

Nous l'avions fait venir deux fois à Nantes pour prononcer une conférence alors qu'il était à la retraite. Il s'était posé assez tôt la question de savoir ce qu'était l'informatique avec son livre très pédagogique "La science informatique" paru chez Dunod en 1970. Il m'avait communiqué le manuscrit d'un livre, je ne sais s'il a pu finalement le publier, où il confrontait sa foi de chrétien à la science. (Je me demande si ce n'est pas son "La science et le sens de la vie")



ARSAC Jacques


La science informatique, Dunod, 1970.


J. Arsac y cite W. Shakespeare
    « Ce que nous nommons Rose 
    Sous un tout autre nom sentirait aussi bon. 
    Et ainsi, Roméo, s’il ne s’appelait pas 
    Roméo, garderait cette chère perfection 
    Qu’il possède sans titre. Oh ! retire ton nom 
    Et pour ton nom qui n’est aucune partie de toi 
    Prends-moi toute entière ! »
    Shakespeare, Scène du balcon de Roméo et Juliette
    (La Pléiade, 1950, cité par J. Arsac ) 

Extrait de "La science informatique" :

« Chaque mot n’est que le repérage d’un état. Non me dira-t-on, « froide » n’est pas le repérage d’un état, c’est l’état lui-même. L’usage a prévalu de désigner cet état sous ce nom, mais le nom est distinct de l’état. Il peut varier au fur et à mesure de l’évolution de la langue. (…)
L’association du mot et de l’image n’est que purement conventionnelle. L’image subsisterait sous un autre nom. (…) On sait que les mentalités ou les fonds culturels de l’humanité n’ont pas toujours reconnue, ou ne reconnaissent pas tous cette distinction du nom et de la chose. Dans la mentalité des auteurs de la Bible, le nom est intimement lié à la personne ou à la chose, et dit vraiment tout d’elle. (…).
On connaît le rôle qu’a joué l’école nominaliste d’Oxford au XIVe siècle pour reconnaître la différence entre le nom et la chose nommée. Guillaume d’Occam usa largement de la « logique des modernes » (logique du langage, grammaire spéculative, science de la signification des mots …) pour substituer « pensée » et « énoncé » à « chose » et « réel ».
(…) Peut-être ai-je trop insisté sur un point que le lecteur trouve évident. Il est porteur de telles conséquences pour l’informatique qu’il me paraissait indispensable de lui donner une grande place.
En disant que l’information est la désignation de l’état actuel d’un phénomène parmi tous les états possibles, j’ai de fait séparé le sens, contenu dans la liste d’états, et l’information, simple repère permettant de retrouver le sens convenable parmi tous les sens possibles. C’est donc la forme du texte, son aspect de repérage ou immatriculation qui compte, non son sens. (…)
Je pose par convention que :
Une information est une formule écrite susceptible d’apporter une connaissance. Elle est distincte de cette connaissance. (…)
Je dis donc :
Cette définition est un principe fondamental de l’informatique.
(…)
Si l’ « information » est distincte de « connaissance », si c’est vraiment la formule écrite à laquelle l’homme associe un sens, alors il est juste de parler de l’action d’ « informer , ou de donner une forme », à une connaissance pour en permettre la communication ou la manipulation.
C ‘est pourquoi toute l’informatique va se trouver confrontée au problème des relations entre structure et sens. Le langage, qui manifeste ces relations, jouera un grand rôle et sera un des objets d’étude de cette science. (…) »

Jacques Arsac, La science informatique, Dunod, 1970


Lire cet exposé de J. Arsac :

http://jacques-andre.fr/chi/chi88/arsac.html

extrait :

"Jean Kowalevsky ayant réalisé un interpréteur pour un langage très compact de son invention (le code « sardine »), j'écrivis un compilateur pour une version notablement simplifiée de Fortran. Ce n'était guère utilisable pour la programmation de calculs importants, parce que l'on manquait par trop de mémoire, et que les temps de calcul sur le 650 n'étaient pas excellents, mais cela permit néanmoins d'habituer les gens de l'Observatoire à ce langage.
En 1963, l'Observatoire acquit un 1401 IBM à cartes (4K octets, sans bandes). J'écrivis un compilateur Algol sur cette machine, qui produisait un texte en langage intermédiaire en notations postfixée interprétable sur le 650 IBM. Là encore, il ne s'agissait pas d'un système exploitable pour du calcul, mais c'était un outil dont j'avais besoin pour pratiquer un langage dont je commençais l'enseignement à l'Institut de programmation que René de Possel venait de faire créer à Paris.
Les besoins en calcul de l'Observatoire s'étant développés à cause du 650, les chercheurs allaient faire exécuter leurs gros calculs sur le 704 de l'Institut Blaise Pascal, rue du Maroc. De Meudon, c'était une expédition, et il était fort désagréable d'y partir pour trouver une faute de syntaxe dans la deuxième carte du programme. J'écrivis donc sur le même 1401 un analyseur syntaxique Fortran qui permettait de n'amener à Blaise Pascal que des programmes syntaxiquement corrects.
Tous ces travaux de programmation prenaient beaucoup de temps. Il ne me serait pas venu à l'idée de les publier. Seul le compilateur Algol (qui demandait 7 passages successifs sur le 1401) fut présenté dans un séminaire de l'AFCALTI (en 1963 je crois, parce que c'était avant ma nomination en 1964 à la Faculté des sciences de Paris). Je les faisais parce qu'ils étaient nécessaires au bon fonctionnement de l'Observatoire, ou parce que j'avais besoin personnellement d'outils de travail..."


P.S. J. Arsac m'a amené à Pierre Abélard, né au Pallet près de Nantes, sur la route menant à Liré (ma première visite à mon arrivée à Nantes, chez Du Bellaye. J'avais visité le Mont Palatin avant Nantes !) via Le Nom de la rose d'U. Eco. Je passerai bien plus tard plus d'un an en compagnie d'Abélard.

http://journals.cambridge.org/action/displayAbstract?fromPage=online&aid=6665216

1 commentaire:

JoëlP a dit…

Je ne connaissais pas Jacques Arsac, paix à son âme.

Ach le 1401 ! Je me souviens en avoir vu un au Computer Muséum de Boston. C'était juste le prédécesseur de l'IBM 1130 de mes vrais débuts, le 1130 avait au moins 16K de mémoire à tore. A tore et à travers aurait dit Charles Lacan ou Latan qui lui croyait, ou plutôt laissait accroire, que les mots et même les jeux de mots sont intimement liés à la chose.

Avec Villon, on se demande où sont passées les neiges d'antan...

Où est la très sage Heloïs,
Pour qui fut chastré et puis moyne
Pierre Esbaillart à Sainct-Denys ?
Pour son amour eut cest essoyne.

 
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