Extraits :
À présent, c'est le futur simple qui se raréfie et devient un anachronisme, voire un snobisme. Se substituant à ce diplodocus en tout lieu, le verbe "aller" suivi d'un infinitif, qui signifiait autrefois le futur proche, a pris rang, le présentisme aidant, d'auxiliaire universel du futur, ou même de présent de narration passe-partout. Aux nouvelles, on n'entend plus : "Le président de la République se rendra en Chine", mais "va se rendre en Chine", quelle que soit l'échéance, demain, la semaine, le mois, l'an prochain, ou jamais. Parler au futur, et même écrire, cela fait démodé, élitiste, exclusif. [...]
Mercredi, je visitais l'exposition Gustave Bourdin au musée Jacquemart-André. Là aussi, excellente exposition. Enfin, pour les années baudelairiennes, celles des plages mondaines et des cieux - ou plutôt ciels - crépusculaires. Mais le premier panneau me désappointa tant que je renonçai à lire les suivants : "Influencé par l'exemple de Constant Troyon, Eugène Boudin va réaliser tout au long de sa vie de nombreuses études de vaches. De ce sujet apparemment anecdotique, il va tirer de multiples variations." Mon sang, comme on dit, ne fit qu'un tour. Pourquoi pas "réalisera" et "tirera", ou un présent de narration, "réalise" et "tire" ? Quoi de plus désolant que cette langue à la va-comme-je-te-pousse !
http://www.neoprofs.org/t60252-antoine-compagnon-regrette-la-disparition-du-futur-simple#1960168
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