LES DÉFENSEURS DES LANGUES RÉGIONALES, QUI SONT DE VÉRITABLES GOÛTEURS DE MOTS, SONT BIEN ÉVIDEMMENT DE NOS JOURS LES MEILLEURS DÉFENSEURS DE LA LANGUE FRANÇAISE AUSSI !

"une gamine de treize ou quatorze ans à qui je vantais le courriel m’a dit en faisant la grimace : "Beurk, c’est laid ! Non, c’est e-mail !… " Et c’était comme un soleil dans son oeil, "imêle", "e-mail, c’est beau !" – que voulez-vosu répondre ?

Je crois que c’est là le revers d’une tradition scolaire selon laquelle tout ce qui vient de soi est moche, ce qui vient d’ailleurs est super-cool. Un siècle d’école restrictive qui a fait cracher plusieurs générations d’enfants sur des langues "sales" parce que parlées à la maison, sur des "patois" indignes et crottés, ont réussi à inculquer chez les Français le sentiment intime de la nature ignoble de la langue courante. Nous dégustons aujourd’hui les fruits de cette éducation jacobine et crétinisante – ces fruits sont amers. On pourra dire un jour peut-être que le français a creusé sa tombe à la plume sergent-major ! Car il faut savoir que, contrairement à une campagne de désinformation pathétique, les défenseurs des langues régionales, qui sont de véritables goûteurs de mots, sont bien évidemment de nos jours les meilleurs défenseurs de la langue française aussi ! "

Claude Duneton, Au plaisir des mots, Balland