mardi 14 avril 2015

" le progressisme pour les nuls " avec la réforme de l'enseignement (R. Debray)


Régis Debray, dans le Journal du Dimanche ***"La réforme du collège montre bien la myopie de nos dirigeants.L'élimination mal camouflée du latin-grec, noyé dans'l'interdisciplinaire', oublie le fait que le secondaire, c'est d'abord ladiscipline. L'interdisciplinaire ne peut venir qu'après, dans le supérieur: mettre le toit avant les fondations, c'est détruire d'avance la maison.Cette fausse réforme applique au domaine scolaire la vision du monde denotre classe dirigeante. Elle est dépourvue de conscience historique,élevée dans la superstition de l'économie et des finances, vouée au culteexclusif du chiffre et du quantitatif. Les réducteurs de têtes viserontensuite la littérature et le français, patois folklorique – letout-économie va avec le tout-anglais –, et l'histoire sera réduite à laportion congrue. M. Moscovici communique déjà par lettres en anglais avecM. Sapin. Le dédain des humanités vient d'une idée bébête, le progressisme pour lesnuls, selon laquelle le nouveau efface l'ancien, et qu'avec l'innovationnumérique on peut faire litière des héritages culturels. C'est exactementl'inverse de ce que l'on vit dans le monde entier : le postmoderne estplein de traditions retrouvées et curieusement rajeunissantes. Israël estun pays ultramoderne qui a fait resurgir une langue morte, l'hébreu.Qu'est-ce que le retour du religieux, aux États-Unis comme en Russie et enChine, pour ne rien dire du monde musulman, sinon le fait que lecontemporain a besoin de repères où se ressourcer, ancrés dans lestréfonds de l'âme collective. Pour le meilleur comme pour le pire. Leshumanités, c'est pour le meilleur. Là où se brisent les chaînes de latransmission éducative renaît le pire, la religion sans culture, cellequ'encouragent les formations exclusivement technologiques. Faut-ilrappeler que les cadres fondamentalistes, où que ce soit, sortent desfacultés de sciences et des techniques, et non de celles de lettres ?"

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