Un correspondant nous écrit :
Voici donc les comptes rendus promis. Le premier concerne "Athalie" de Racine (vu au Grand T, jeudi soir) et le second le film "The Tree ofLife", vu au Katorza hier soir.
Athalie était grandiose ! J'ai adoré. Musique baroque somptueuse (J.B. Moreau) par Guillaume Humbrecht, un 1er prix de conservatoire. Voix superbes. Eclairage à la bougie (toute la salle !!!), la troupe n'était composée que de femmes (c'est normal : Racine avait composé la pièce pour des écolières) et les femmes tenaient les rôles d'hommes. Tous les personnages portaient les grandes toges noires des écolières des maisons d'éducation du Grand siècle, on les différenciat à leur coiffe (l'odieuse reine Athalie avait une couronne de rubis, le grand prêtre un chapeau de curé, etc.) et surtout, surtout... - la chose a dérouté le public - la pièce était rendue en prononciation restituée (selon les leçons du grand
Eugène Green, le promoteur de cette nouvelle façon de jouer). Les acteurs déclamaient donc les alexandrins raciniens avec la prononciation conventionnelle de la scène du XVIIe siècle. En gros, cela ressemble un peu à du québecois, si vous voulez ("r" roulé, aucune lettre nasalisée, les -s du pluriel sont prononcés, ainsi qu'à peu près toutes les lettres muettes). Les alexandrins étaient dit impeccablement, sans erreur (ce qui, on le sait, n'est même plus toujours le cas à la Comédie-Française).
JAMAIS les volontés de Racine n'auront été aussi bien respectées !
Moi-même, j'étais abasourdi par une telle perfection ! C'est là qu'on
voit que nous sommes dans un pays riche, voire très riche, pour se permettre de tels spectacles. Et en province !!!! C'est inouï !
Évidemment, le public a été dérouté. Au début, la salle était au 3/4 pleine, et environ 1/4 des gens est sorti pendant le 1er acte. Forcément, le français du XVIIe siècle en prononciation restituée... ça déroute !
Cela reste pourtant parfaitement compréhensible.
Il faut que vous sachiez que suite aux travaux d'Eugène Green (un comédien-linguiste), il est de plus en plus courant de voir des pièces classiques représentées en prononciation restituée. Cela révolutionne la scène française depuis environ les années 2005. En fait, on prononce le français exactement comme il était prononcé par les acteurs du temps de Racine. Attention : il s'agit d'une prononciation conventionnelle. Elle est proche de la façon dont parlait Louis XIV (par ex.), mais s'y ajoutent des conventions de prononciation propres à l'éloquence de la scène (idem pour le barreau et pour la chaire) : par ex. on roule le -r- , qui n'était déjà plus roulé à Paris au XVIIe siècle, de même qu'on prononce les -s du pluriel, alors que ce n'était déjà plus le cas depuis environ le XIVe
siècle, à Paris.
Tout ce savoir découle d'une science qu'on appelle la "phonétique historique du français", qui est une matière très lourde (et généralement détestée !) des étudiants en lettres, et qui donne lieu à une grosse épreuve écrite au Capes et à l'agrégation de lettres. C'est une des branche de l'histoire de la grammaire.
Hier soir, je suis donc allé voir "The Tree of Life" de Terence Malick, avec Brad Pitt et Sean Penn. Pour la première fois de ma vie, je vais me permettre d'édicter une fatwa : je défends à XXXXXXXXX et à YYYYYYYYYYY d'aller voir ce film ! Pourquoi ? parce que je ne crains pas seulement que vous vous y ennuyiez... j'ai peur pour votre santé : vous allez attraper unulcère ! (ou pire encore !)
Le film est une LONGUE prière de 2h19 ! Tout y est chrétien, sans exception ! C'est incroyable ! On est à la messe. A la messe sur grand écran.
Là encore, j'ai vu des gens (une bonne 30aine) sortir de la salle après 20 mn de film, manifestement excédés.
Le film ne raconte aucune histoire. Il n'y a pas vraiment de narration. C'est particulièrement étrange : il s'agit d'une succession d'images, parfois sans rapport les unes avec les autres (la mer, le désert des Pères, les montagnes, la planète saturne, les temps préhistoriques, une caverne, le ciel, etc.), qui visent à montrer les manifestations de la gloire de Dieu, la grandeur de la Création, sur fond de musique sacrée (tout y passe : du Lacrimosa jusqu'à la Messe en si...) On voit la main de Dieu en train de façonner la terre (les volcans, les mers), l'univers et le système solaire, etc. Les rares paroles des acteurs sont presque
toujours des citations bibliques, ou alors sont dans un style prophétique ou proverbial (> du Livre des Proverbes).
Le film m'a en grande partie rappelé un autre film (halluciné)récent : "Lovely Bones" ("Charmants ossements" ?...), où on voyait une jeune fille de 14 ans assassinée par un pédophile dès le début du film, puis les 2h suivantes racontaient son accession au paradis, dans un défilés d'images saisissantes, faisant comprendre que la jeune fille était submergée par de successives et puissantes vagues d'amour et de bonté, jusqu'à l'éblouissement final, dans un champ de blé.
Si j'ai bien compris le but du film (et je pense l'avoir bien compris), le seul intérêt est là : démontrer l'infinie bonté de Dieu, l'infinie perfection de sa création, et ses desseins grandioses. Tout a une cause.
Une cause parfaite. L'ordre du monde est divin. Tout est bien. Il n'y a rien à craindre. Les choses ne peuvent pas être plus parfaites. Et nous, les hommes, sommes aimés au-delà de l'imaginable, au-delà de ce que nous pouvons intellectuellement concevoir.
C'est évidemment un film américain tout plein de foi protestante, c'est-à-dire d'une forme du christianisme beaucoup plus mystique (plus "illuminée", plus messianique) que ce que nous connaissons avec le catholicisme européen. Le film fait aussi l'apologie de l'éducation traditionnaliste et familiale chrétienne : le père a tout pouvoir dans la maison (les enfants tremblent devant son autorité), sa femme n'a rien à dire (elle n'est là que pour donner de l'amour aux siens, et c'est tout), la flopée de marmots jouent à la balle dans le jardin, avec le chien, et se prennent des coups de règle sur les doigts s'ils ne récitent pas bien la prière, ou s'ils osent demander le pourquoi les décisions du père.
Au-delà du choc des images (certaines sont vraiment éblouissantes, surtout avec la musique sacrée), il y a tout de même deux choses bien dans ce film :
1) Il y a de longues scènes centrées sur les petits garçons qui jouent. Et
c'est vrai qu'ils sont adorables à contempler, si pleins de vie. (Je comprends mieux pourquoi le réalisateur a auditionné 1000 enfants avant de tourner le film).
2) On voit une maison de verre ! C'était un truc très à la mode aux USA, dans les années 1960. C'est un truc TYPIQUE de l'esprit protestant américain : il n'y a pas de frontière entre la vie privée et la vie publique (demandez à DSK ! ah ! ah !), on ne doit rien avoir à cacher à ses voisins, on ne doit pas vivre derrière une palissade, toutes les relations reposent sur la confiance et la transparence (demandez à B. Madoff ! Ah ! ah !). Je n'ai jamais vu de maison de verre en Europe, où le catholicisme apprend plutôt à se planquer et à s'humilier devant Dieu.
On ne le sait pas, mais c'est de la mode des maisons de verre que viennent (certains) gratte-ciel tout en verre, à Manhattan. Surtout pour des sièges de société. On doit symboliquement tout montrer, ne rien cacher [aux actionnaires].
Je terminerai mon message par une citation du film, la 1re phrase :
"Il existe deux voies. Celle de la nature, et celle de la grâce. Ceux qui marchent sur la voie de la grâce n'ont rien à craindre. Il ne peut leur arriver aucun mal, aucune douleur, aucune peine. Car Dieu est avec eux. Il se souviendra d'eux au jour du Jugement, et ne les abandonnera pas."
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