mercredi 14 mars 2018

Histoire d'un idiot racontée par lui-même, Félix de Azúa

Histoire d'un idiot racontée par lui-même, Paris, Le Seuil, 1986 (Historia de un idiota contada por él mismo) traduit de l'espagnol par Eric Beaumatin.



Extraits :

" C'est un avantage non négligeable en ces temps qui ont vu le marché de l'enfance heureuse croître jusqu'à atteindre des proportions colossales ; la promotion des projets d'infantilisation par de grandes puissances telles que les Etats-Unis a eu un considérable succès BIOLOGIQUE, et l'âge mental moyen des populations occidentales tourne actuellement autour de huit-neuf ans. "

" C'était mon ministre ; cet homme banal et heureux était la tête visible de la Machinchose espagnole ; et l'on s'attendait tout naturellemet à ce que, d'un instant à l'autre, sa flatulence ontologique se dégonflât d'un simple coup d'épingle. Mais nous n'eûmes jamais ce plaisir, pour la bonne raison que ceux qui auraient pu ôter le bouchon étaient des partisans convaincus du bonheur (social, international, prolétarien plantéraire), c'es-à-dire des bédoins errants dans le poudroiement du futur, sans autre tâche que la surveillance onctueuse de prosélytes et de militants.
Ils présentaient, comme s'il se fût agi d'un phénomène de cirque, le Héros Populaire sous les traits d'un tourneur-fraiseur en salopette bleue - il devait devenir trans-sexuel grâce à ses premières économies et adopter un nouveau nom de famille celui d' " Andersen " en un adorable hommage à la petite sirène, encore une pas très claire côté sexe -, voire sous l'aspect du Mineur Asturien - autre exemple mal choisi, puisqu'il devait, quelques années plus tard, se laisser pousser la cravate pour figurer secrétaire général de l'un de nos partis communistes, une sacrée carrière - [...] "

" Les filles du Collège Jésus-Marie, en général ardentes, et dont les parents  étaient, comme les miens, des catalano-fascistes enrichis pendant et après la guerre, en portaient un bleu marine  col blanc. Celles du Sacré-Cœur, plus modestes, plus réservées, très classe moyenne propulsée dans la haute, mais farouches autant qu'intrépides du cœur, n'avaient ni plastron ni col blanc mais de terribles souliers presque virils. Les filles du Lycée Français, enfin, sauvagement intelligentes, nous étaient bien supérieures. Leurs tendances sadiques nous fascinaient ; filles sans uniforme dans une ville en uniforme, elles promenaient un air de nudité puissamment excitant. Les filles du Lycée Français étaient les plus recherchées ; celles du Sacré-Cœur, tendaient à la stabilité mais, au moindre pacte scellé, ne connaissaient plus de limites aux excès ; celles de Jésus-Marie étaient extraordinaires : elles devaient devenir plus tard des copines parfaites, buveuses, bringueuses, avec ce grain de folie qui les a dispersées aux quatre coins de l'Europe et de l'Amérique. "

" Je découvris à loisir, ces quelques mois durant, les surprenantes analogies que présentent la grammaire et la fornication quant aux variations syntaxiques, morphologiques et sémantiques. "

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