lundi 9 janvier 2012

" Trois excentriques anglais "

Un correspondant m'écrit :

" Le désespoir, en littérature, est une contradiction dans les termes. Si
l'on désespère, on n'écrit pas. Perplexe et désenchanté au-delà de toute
imagination, Bertelby le Scribe (le héros de Melville) préfère ne pas
écrire. De même Brian Howard (1905-1958) choisit de se suicider car il
s'agissait pour lui du suprême canular, un canular qui lui semblait
supérieur à l'oeuvre hypothétique et hypothéquée qu'il renonça à écrire.
(...) De même Stephen Tennant (1906-1987), qui voua consciemment son
existence à la futilité : sa vie n'avait d'intérêt qu'en ce qu'elle
consistait à repousser l'écriture d'un roman qu'il n'arrivait pas à
écrire. Il décida d'ailleurs de ne plus quitter son lit de soie rose
jonché d'ours en peluche pendant les dix-sept dernières années de sa vie ".

Lucien d'Azay, "Trois excentriques anglais", Les Belles Lettres, 2011.

Livre EXTRA ! Un régal ! Superbe !

Ce qui caractérise les excentriques anglais, d'après ce livre (que je
commence à peine), c'est leur attirance trouble (et louche) pour les curés
catholiques. Les Anglais étant protestants, comme vous le savez. En
général, c'est d'une attirance d'ordre sexuel qu'il s'agit, liée aux "broderies,
vêtements ecclésiastiques, instruments exotiques à connotation érotiques,
parfums d'encens, bijoux, pierreries des curés". (Le rite protestant étant
a contrario particulièrement dépouillé, comme vous le savez aussi).
Aleister Crowley (un célèbre excentrique anglais) signait son nom sous
Les dessins sont reproduits.

Je vous lis encore un autre passage : Lucien d'Azay décrit le Trinity
College d'Oxford, au moment où il est en train d'écrire son livre.

" Edens intimes que ces puissantes institutions en vase clos où l'on
cultive l'élégance (...) Ici la mollesse et la grâce sont de rigueur, et
la tradition rivalise avec la distinction. Davantage que l'enseignement,
l'émulation préside à ces merveilleuses citadelles du savoir antique où
les réseaux de connaissance s'érigent en une caste aussi inaccessible
qu'un empyrée (...). Les undergraduates se conforment pieusement à
l'archétype de l'Anglais idéal, nonchalance guindée du joueur de cricket,
"blend of lawyer and squire" ("mélange de juriste et de chevalier") comme
le dit fort justement Forster dans son roman "Maurice". "

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