samedi 21 mars 2020

Relisons La Peste de Camus, un chef-d'oeuvre et retrouvons Oran

Je ne retrouve pas La Peste. Sans doute cachée derrière le premier rang d'une tablette du haut d'une de mes bibliothèques.

Alors je la relis sur écran (un grand, pas sur smart-phone fait pour ceux qui ne veulent pas aller plus loin que les titres, ce que certains de mes étudiants désiraient et que le marché toujours sympathique leur a procuré. " S'il faut lire, alors ! " accompagnait "naturellement", "pédagogiquement" le "S'il faut réfléchir, alors ! "). Il était loin le temps où pendant les inter-cours des étudiants lisaient des livres, des romans...

Voici l'adresse



Je retrouve Oran. 

Je ne suis allé qu'une fois en Algérie. C'était "en mission". Je n'étais pas porteur des Evangiles. C'était juste après les élections qui avaient vu la victoire du FIS (Front Islamique du Salut).

"
" Le 26 décembre 1991 a lieu le premier tour des élections législatives. Le FIS obtient 188 sièges sur 231, le FFS 25 sièges et le FLN 15 sièges, les candidats indépendants remportent 3 sièges.
Prenant acte de la situation qui prévalait, l'armée décide le 11 janvier 1992 de pousser le président Chadli Bendjedid à la démission, et interrompt juste après les élections, de même les communes détenues par le FIS sont dissoutes et ses militants emprisonnés. Le FIS s'engage alors dans des activités terroristes contre l'État algérien et les civils qui le soutiennent, au travers de sa branche armée l'AIS (Armée islamique du salut), c'est ainsi que les premières victimes du terrorisme en Algérie furent les agents de l'État ainsi que les intellectuels et les journalistes."

Mes souvenirs :

- une ville qui s'effondrait
- des entrées d'immeubles, des plaques de médecins crasseuses
- un hôtel où nous étions 3. Mon collègue nantais et moi et la conservatrice en chef des bibliothèques universitaires de Lyon. Elle nous a raconté que son collègue oranais n'allait à la bibliothèque qu'une fois par ...mois. Peut-être par semaine. 
- des hommes "tenant les murs"
- aux feux tricolores, des gens vendant des pièces automobilistes aux automobilistes qui passaient, les pièces qui leur avaient été volées, nous a dit notre hôte
- dans les rares librairies, rien d'autre que des Corans.
- pas mal de voitures. Et pourtant pas de vendeurs de voitures. Et l'importation était interdite. Ils ne devaient pas avoir de douaniers !
- on s'est demandé où les gens achetaient ce qu'ils portaient sur eux. Pas vu de commerces. On nous a expliqué que les magasins étaient à ... Marseille.  Et puis il y a les visites chaque été de ceux qui sont en France, ou ailleurs. Les toits des voitures sont surchargés.
- à la fac de sciences, pour atteindre la salle de cours, j'ai dû enjamber un ruisseau de merde. Il venait de dessous un autre bâtiment, un "préfa" comme au lycée de ma jeunesse arédienne. Ce préfa était une partie de la "cité U" !
- le tableau noir était blanc, j'ai pensé à la chanson de Bécaud. Mais lui c'était la place rouge. Le collègue m'avait fourni une boite de pastilles Valda qui devait être un reste de la colonisation. Dedans des rognures de craie.
- je me souviens avoir entre autres, traité de logique et des 4 sens du verbe être selon Gotleib Frege. Mal m'en a pris, j'ai été apostrophé. Manifestement je ne suivais pas la bonne théologie. Souvenir impérissable.
- on a appris que les Japonais avaient une université (ou une fac d'informatique, seulement), qu'on nous a montrée. Protégée. Une sélection sévère des étudiants. On n'en a pas su plus.
- on a appris aussi que si on voyait autant de bateaux de pêche dans le port et aucun en mer, c'est que l'Etat avait vendu les fonds marins aux mêmes Japonais. Et que maintenant il n'y avait plus rien à pêcher
- la cathédrale était la bibliothèque. Aucun livre depuis l'indépendance de l'Algérie !
- moins de femmes recouvertes de la tête aux pieds que ce que l'on peut voir de nos jours en France. Des femmes âgés avec un tissus ajouré, disons un masque à ne pas recommander contre le coronavirus, laissant voir les tatouages ou décoration au henné.
- des attentats à Alger et sa région. On nous disait "faut pas croire ce qu'on vous dit en France, ici on ne risque rien". Après notre départ, Oran était touchée.
- j'ai découvert au marché des nèfles... japonaises au magnifique noyau. J'en ai ramené en France. Bien sûr aucun contrôle sanitaire. Aucun questionnement  à l'arrivée. On voit que nous ne sommes ni aux USA ni en Australie. En Australie on se méfie même des fleurs vendues à l'aéroport de Singapour et quand on connaît l'aéroport de Singapour !


"Cette cité sans
pittoresque, sans végétation et sans âme finit par sembler
reposante, on s’y endort enfin. Mais il est juste d’ajouter
qu’elle s’est greffée sur un paysage sans égal, au milieu
d’un plateau nu, entouré de collines lumineuses, devant
une baie au dessin parfait. On peut seulement regretter
qu’elle se soit construite en tournant le dos à cette baie et
que, partant, il soit impossible d’apercevoir la mer qu’il faut toujours aller chercher.

Aucun commentaire:

 
Site Meter