Je suis parti de Poitiers avec un ami de la Cité U Descartes (son père était gendarme).
Nous avons fait la route en stop. Le stop, je l'ai beaucoup pratiqué pendant mes études ... ainsi que le solex.
Nous sommes arrivés à Paris par une belle après-midi. C'était notre premier séjour à Paris. J'avais fait en stop le tour de l'Europe mais pas vu Paris.
Je me souviens du Louvre, de Notre-Dame ...
Notre premier lieu visité fut la Halle aux Vins (la fac de sciences). ...
Je me souviens de discussions près de la fontaine à bas du Boul'mich. Un vieux monsieur polytechnicien dont le père était ouvrier agricole et qui grâce aux instits, au profs du lycée était devenu ingénieur discutant avec des étudiants au sujet de l'"université de classe", de l'"université bourgeoise"... Ca discutait partout ...
Nous avons fait le tour des lieux dont parlait la radio. L'Odéon, la fac de droit d'Assas. Nous avons passé la nuit à dormir dans la fac. La nuit a été tranquille.
Nous étions dans la cour de la Sorbonne quand De Gaulle a fait son discours. Nous avions dû aller au bureau des Katangais. J'ai perdu mon "autorisation de photographier" qui me fut octroyée alors. Mon copain avait peur qu'on lui demande ses papiers qui portaient son adresse : une gendarmerie.
Nous sommes partis voir la manif sur les Champs Elysées suite au discours de De Gaulle. Je me souviens que dans la Sorbonne il y eu une certaine débandade.
Je ne sais plus où nous avons pu dormir la seconde nuit. Peut-être que nous n'avons dormi qu'une nuit à Paris. Nous avons beaucoup marché. Je n'ai pas connu le métro !
Quand l'essence est revenue, les relations dans les rues furent moins sympathiques. J'ai raconté ici notre retour en stop à Poitiers.
A Poitiers, je me souviens d'une AG où se sont pointés bien des étudiants que nous avions rarement vus sur les bancs des amphis. En 68, entrait en vigueur une loi qui disait qu'on ne pouvait faire la première année (les deux premières années) en plus de 4 ans (ou quelque chose d'approché). Alors les étudiants concernés (j'en connaissais de vrais fils de riches bourgeois), ont été pour la suppression des examens. Nous étions plusieurs à ne pas apprécier. Ceux qui travaillaient un mois pendant les vacances puis pendant un autre mois voyageaient. Et qui étaient reçus à la première session.
Les profs (démagos, je l'ai compris en septembre) n'ont rien dit ou ont suivi la majorité de l'AG faisant comme si ils étaient d'accord avec des revendications comme celle leur demandant d'éviter la loterie de certains sujets d'examen : un sujet sur un chapitre ou même seulement un paragraphe d'un cours. Il y eu de beaux discours. Même des discours relatifs à la pédagogie (!?).
Et en septembre, les sujets distribués furent ... ceux de juin. Sans doute pour économiser du papier et protéger des arbres.
Ma première manif en 68 fut de passer sous les amphis de la fac (face à Notre Dame la Grande) avec des panneaux sur lesquels était inscrit : " point, retour à la ligne". Mais tous les cours ne tombaient pas sous cette critique ! Mais beaucoup ressemblaient à une dictée.
Je me souviens que Hughes Aufray devait faire un concert (il me semble sur la place de la fac de droit) et qu'il fut annulé et remplacé en discussion. Mais c'est vague dans ma mémoire.
Tout n'était pas bon avant 68. Il n'y avait pas de stages, les TD (quand il y en avait) en sciences éco (sauf ceux de maths et de proba) n'avaient de TD que le nom. Je me souviens. L'assistant (qui ignorait ce que faisait le prof en cours) distribuait lors de la première séance, une liste d'exposé et demandait qu'on lui donne une liste d'affectation. Puis fixait le calendrier des exposés. Avant la fin de chaque séance, il s'assurait que l'étudiant qui devait faire le prochain exposé serait bien présent. Lors de la séance, il n'y avait aucune critique (je connais de mes étudiants qui auraient très apprécié !), aucun conseil. Pas d'information sur les débouchés (j'ai eu de telles infos quand j'ai fait l'IAE). En sciences éco on était formés pour devenir ministre des finances !
Quelques uns d'entre nous, avaient passé un concours des Impôts. Ils étaient payés pour suivre la licence. Ils avaient quelques cours aux Impôts par mois. Et s'ils n'étaient pas reçu au concours à la fin de la licence, ils étaient libres de faire ce qu'ils voulaient.
Mais finalement, on a dû se débrouiller et comme j'ai enseigné l'informatique à une époque où dans ma spécialité, il n'y avait pas de livres, j'étais ...formé !
C'est aussi parce que j'avais vécu cela en fac que j'ai choisi d'enseigner en IUT où j'ai pu travailler (le terme est trop dur !) en toute liberté et pleine responsabilité. Et ma formation m'a bien servi. Je me sers toujours de tous les cours. L'enseignement qui manquait est celui de logique. Et surtout un apprentissage de l'abstraction à partir du réel. J'ai été particulièrement choqué par des "modèles économiques" où un épsilon "expliquait" 80 % du phénomène. Disons un esprit d'ingénieur. Ou un peu plus de science. En fait, la France avait des ingénieurs économistes de très bon niveau. Mais l'enseignement n'avait guère évolué.
A la Cité U
J'étais président de l'asso des résidents de la Cité U Descartes (Monsieur Bouffard en était le directeur), le CERCUD (cercle des résidents de la CU Descartes). A Poitiers j'ai vécu à la Cité U Rabelais puis à la Cité U Descartes. J'en suis très fier. A la Cité U je me souviens des GTU (Groupes de Travail Universitaires) dans les "salles de travail". En mai, je me souviens des dimanches où des carabins commençaient à travailler dès 4- 5 heures du matin. Quand on en avait marre, l'un de nous allait chercher un copain pour une partie de ping-pong et une bonne suée.
Mercier (étudiant en droit, frère d'un ancien Grand-Maître de l'Ordre du Bitard (L.S.T)) a monté une discothèque où il y avait pas mal d'orgue dont il était amateur. Nous avions obtenu un abonnement au Monde où Jacques Fayau m'a trouvé une annonce d'un stage "Connaissance de la Suède". Un stage extra organisé par l'Université de Stockholm (participants divers dont des députés français). M'intéressant aux tarifs publics (mon mémoire a porté sur Déficit et tarification à la Sncf), j'ai pu rencontrer le ministre des transports ...
Nous avons organisé l'expo des dessins du Canard Enchaîné.
Quand j'étais en DES, j'ai été veilleur de nuit à la Cité U (pas très longtemps : le matin je n'arrivais pas à me réveiller et le boulanger trouvait la porte close quand il portait le pain pour le petit déj). Veilleur de nuit, j'en ai vu des choses ...
Je me souviens d'un étudiant (?) japonais qui liquidait plusieurs bouteilles de cognac (Napoléon, napoléon était ce qu'il connaissait le mieux en français) par jour. Sa chambre en était pleine. Un jour de chaleur, il reçut une "bombe d'eau" (je ne sais si cela se pratique toujours) ... et tira avec une arme à feu en direction de la fenêtre d'où était partie la "bombe"...
Je me souviens que certains entraient avec un fille mais passaient à quatre pattes pour se cacher du veilleur. Et pourtant, ils étaient majeurs pénal. Ils étaient bons pour le service. Et j'avais des étudiants dans ma promo qui avaient frôlé la guerre d'Algérie ...
Je me souviens du veilleur de la Cité Rabelais et ses "ben couillons", "vingt dieux la belle église", du "bizuth magnan" qui les soirs de printemps faisait le tour de la cité en proclamant "dormez dormez braves gens, que le seigneur Dieu vous ait sous sa sainte garde". Et des semaines estudiantines, du Grand Bitardier ramené des bois de Chanteloup sur un tonneau tiré par un cheval pour défiler dans Poitiers. Des visites nocturnes aux Moines de Ligugé et des discussions philosophiques autour des verres servis par les moines, des "déjeuners" sur la Pierre Levée. ... des "Monsieur l'étudiant" des coiffeurs, des commerçants ...
De l'époque d'avant le self-service au RU. Les filles ne devaient pas aller chercher l'eau (sinon concert de cuillères sur les pots à eau métalliques). Elles devaient donc se mettre à des tables mixtes. J'ai appris beaucoup de choses à table au RU, surtout quand je tombais à une table de carabins rentrant de gardes.
P.S.
Je n'ai pas entendu sur les ondes radio cette vérité mathématiques : 68 a annoncé 69 !
Le chanteur n'a pas manqué de le remarquer !
La numérologie, voila la science qui doit pénétrer nos universités. Si elles veulent être "au monde", "dans le monde". Madame le Ministre, à vos comités théodules. Pas de problème pour trouver des membres. Bien des profs seront fort heureux de quitter leurs classes pour les lambris du ministère.
P.S. Et la "société de consommation" ?
Quid 40 ans après ? et dans l'"après 68". Succès ou échec des discours ?
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