mercredi 9 juillet 2025

Abélard, Sherlock Holmes du XIIe siècle ?

 

Abélard, Sherlock Holmes du XIIe siècle ?
 Jérôme Rival
Jérôme Rival, professeur agrégé d’histoire-géographie-EMC au collège de St-Romain le Puy, et membre du CA de l’Association Culturelle Pierre-Abélard (Le Pallet) 
 « Je suis enquêteur par penchant. Je ressens une grande soif de connaissance. » (Emmanuel Kant)
« Nulle part la déduction n'est plus nécessaire que dans la religion [...] Le logicien peut en faire une science exacte ». Cette phrase aurait pu être prononcée par un illustre maître parisien du XIIe siècle, à moins qu'il ne s'agisse d'une phrase tirée de romans prenant place en 1327 dans une abbaye bénédictine du Nord de l'Italie ou dans l'Angleterre victorienne de la fin du XIXe et du début du XXe siècles ... La fiction rejoint parfois la réalité et c'est bien le fameux détective britannique Sherlock Holmes qui formule cette sentence dans une nouvelle écrite par son créateur, l'Ecossais Arthur Conan Doyle. D'une figure de papier, le romancier Umberto Éco a imposé à son tour un autre personnage littéraire, Guillaume de Baskerville, sorte de Sherlock Holmes du XIVe siècle, dont le patronyme est un hommage appuyé de l'auteur italien à la plus célèbre aventure policière écrite par Conan Doyle, Le chien des Baskerville (1902), mettant en scène son célèbre héros, à la faculté d'observation et de déduction sans pareilles. Dans Le Nom de la Rose (1982), il fait également écho à des personnages ayant réellement existé : le prénom de Guillaume est ainsi un clin d'œil au philosophe franciscain William - en anglais - d'Ockham (vers 1285-1347). De manière plus discrète, il fait aussi référence au philosophe et théologien Pierre Abélard (1079-1142), qui apporte son écot dans le roman à plusieurs reprises. Guillaume d'Ockham et avant lui Pierre Abélard sont traditionnellement considérés comme les représentants les plus éminents du nominalisme médiéval. Ancien inquisiteur, le personnage de Guillaume de Baskerville ne jure que par l'usage de la Raison, faisant le pont entre Pierre Abélard et Sherlock Holmes. Mais quel intérêt de comparer deux personnages fictifs à un homme de chair et de sang, ayant vécu il y a 900 ans ? Constant Mews s'est déjà attaché à montrer que Pierre Abélard peut être considéré comme une sorte de Jérôme du XIIe siècle mais il s'agit d'une comparaison avec un personnage réel, un Père de l'Eglise.
Il n'empêche : Abélard a aussi fabriqué son moi (son double ?) littéraire dans son Historia Calamitatum (Histoire de mes malheurs, vers 1132), moins une autobiographie qu'un storytelling, la confession magistralement opérée de sa conversion. En somme, au-delà de la facétie d'un amateur holmésien, dressant la liste des ressemblances et des différences, pourquoi pas, par la comparaison avec le célèbre enquêteur, esquisser une grille de lecture de l'ouvrage où Abélard expose sa méthode, le Sic et non (vers 1125), où il s'efforce de concilier les contraires.
Alors si comparaison - savamment orchestrée par Umberto Éco dans son roman - n'est certes pas raison, osons le parallèle entre la création de Conan Doyle et la gloire des écoles parisiennes, en posons la question d'un Abélard, possible Sherlock Holmes du XIIe siècle ? De facto, acceptons l'augure de reproches déjà fondés, parmi lesquels deux pourraient émerger. D'une part, celui de l'anachronisme (mais toute Histoire fabriquée depuis la tour d'ivoire ou plutôt le phare de son époque ne l'est-elle pas nécessairement ?). D'autre part, d'une concordance, quelque peu factice, sinon des temps du moins entre deux protagonistes que sépare le Rubicon de la substantielle existence ? Alea jacta est."
A écouter et à voir :
 
Il est temps de faire un billet de blog sur le fils d'Héloïse et Abélard ! on peut le dire aujourd'hui. Ils ont eu un fils, et l'ont nommé Astrolabe ! vous n'apprendrez pas ça sur Touiteur ou X ! 
Lançons le prénom Abélard ! 

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