mercredi 22 février 2012

Jean-Jacques Rousseau à notre futur président de la République

Le plus pressant intérêt du chef, de même que son devoir le plus indispensable, est donc de veiller à l'observation des lois dont il est le ministre, et sur lesquelles est fondée toute son autorité. S'il doit les faire observer aux autres, à plus forte raison doit-il les observer lui-même qui jouit de toute leur faveur. Car son exemple est de telle force, que quand même le peuple voudrait bien souffrir qu'il s'affranchît du joug de la loi, il devrait se garder de profiter d'une si dangereuse prérogative, que d'autres s'efforceraient bientôt d'usurper à leur tour, et souvent à son préjudice. Au fond, comme tous les engagements de la société sont réciproques par leur nature, il n'est pas possible de se mettre au-dessus de la loi sans renoncer à ses avantages, et personne ne doit rien à quiconque prétend ne rien devoir à personne. Par la même raison nulle exemption de la loi ne sera jamais accordée à quelque titre que ce paisse être dans un gouvernement bien policé. Les citoyens mêmes qui ont bien mérité de la patrie doivent être récompenses par des honneurs et jamais par des privilèges: car la république est à la veille de sa ruine, si tôt que quelqu'un peut penser qu'il est beau de ne pas obéir aux lois. Mais si jamais la noblesse ou le militaire, ou quelque autre ordre de l'Etat, adoptait une pareille maxime,`tout serait perdu sans ressource.
La puissance des lois dépend encore plus de leur propre sagesse que de la sévérité de leurs ministres, et la volonté publique tire son plus grand poids de la raison qui l'a dictée: c'est pour cela que Platon regarde comme une précaution très importante de mettre toujours à la tête des édits un préambule raisonné qui en montre la justice et l'utilise. En effet, la première des lois est de respecter les lois: la rigueur des châtiments n'est qu'une vaine ressource imaginée par de petits esprits pour substituer la terreur à ce respect qu'ils ne peuvent obtenir. On a toujours remarqué que les pays où les supplices sont les plus terribles, sont aussi ceux où ils sont le plus fréquents de sorte que la cruauté des peines ne marque guère que la multitude des infracteurs, et qu'en punissant tout avec la même sévérité, l'on force les coupables de commettre des crimes pour échapper à la punition de leurs fautes.

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