dimanche 12 mars 2023

La résistante Renée Gaudefroy, sauveuse d'enfants juifs, tuée par le maquis à Dournazac, aura-t-elle son nom inscrit sur le monument du jardin d'Orsay à Limoges et une rue à son nom ?

 11 juin 1944. Limoges. 

 

Elle est interpelée. Juste le temps de faire fuir l'enfant qui l'accompagne. Un Juif, comme tous ceux qu'elle a sauvés. Torturée, elle s'évade. Bientôt la victoire! Mais elle est exécutée. Une insupportable méprise. Par le maquis... Renée Gaudefroy. 28 ans.

 


 https://maitron.fr/spip.php?article203910

GAUDEFROY Renée, Céline, Marie, Pauline [pseudonyme Pauline]

Née le 4 mai 1916 à Paris XVIIe arr. (Seine), exécutée sommairement fin juin 1944 par des maquisards FTPF à Dournazac (Haute-Vienne) ; assistante sociale OSE ; résistante réseau Garel.

Renée Gaudefroy était la fille d’Octave, Jules, Charles, Auguste Gaudefroy (né le 27 octobre 1881 à Saint-Quentin, Aisne) cuisinier à Paris et de Marie Thiault (née le 25 juin 1888 à Ménétréol-sous-Sancerre, Cher) couturière, tous deux domiciliés 52 bis, rue Gauthey. Ses parents s’étaient mariés à Paris à la mairie du XVIème arrondissement le 4 février 1909.
Elle vécut toute son enfance et sa jeunesse à Paris, adhérente dans les années 30 du mouvement des auberges de jeunesse, et de religion catholique. Renée Gaudefroy fut au début des années 1940 infirmière de l’hôpital militaire d’Amélie-les-Bains (Pyrénées-Orientales). Par l’intermédiaire d’une amie d’enfance, Isabelle Vichniac, cousine de Lili Garel (Élise Tager, femme de Georges Garel), elle se mit au service du réseau Garel, branche clandestine de l’organisation juive OSE, qui se consacrait au sauvetage des enfants juifs.
En septembre 1943, quand les Allemands occupèrent la Côte d’Azur suite au changement de camp de l’Italie, les réfugiés juifs de cette région se trouvèrent dans une situation critique. Renée Gaudefroy fut volontaire pour conduire des enfants juifs menacés vers le centre de la France afin de les y cacher. Georges Garel lui confia alors le secteur de la Haute-Vienne, de la Corrèze et de la Creuse dont elle devint responsable. Limoges fut pendant la guerre, après Lyon, le deuxième plus grand centre de l’OSE, regroupant plusieurs services du réseau. Renée Gaudefroy, dite Pauline, sous la couverture d’un poste d’assistante sociale auprès du Secours National, eut à gérer le démantèlement, suite aux menaces de plus en plus fortes qui pesaient sur elles, des maisons d’enfants de l’OSE du Limousin. Elle se chargea de la recherche de lieux sûrs, du convoyage, et du placement des enfants menacés dans des familles d’accueil et des établissements d’enseignement possédant un internat (pour la Creuse à La Souterraine, Bourganeuf, Guéret). Il lui fallait changer l’identité des enfants en leur attribuant un nom et un prénom "aryens", procurer des cartes d’alimentation et fournir une aide financière aux personnes ou aux institutions qui les prenaient en charge et leur rendre régulièrement visite ("Le jeudi après-midi, à La Souterraine, elle était notre correspondante et nous emmenait en promenade", témoignèrent pour Yad Vashem Pierre Vormus et Harry Kujarsky, alors pensionnaires au lycée), ce qui l’amenait à s’absenter souvent de Limoges parfois pour des périodes assez longues.
Elle assura également, en les accompagnant jusqu’à la frontière, le passage vers la Suisse pour les enfants pour lesquels un placement clandestin était impossible du fait de leur non-maîtrise de la langue française ou de leur jeune âge.

Ayant peut-être attiré l’attention des services de répression par ses absences répétées peu compatibles avec l’action d’une assistante sociale du Secours national, elle fut arrêtée dans la rue, à Limoges le 11 juin 1944 alors qu’elle déplaçait un enfant en danger, par des membres du PPF (Parti Fasciste Français), collaborateurs français de la Gestapo. Elle parvint à faire s’échapper l’enfant, un jeune de l’école Maïmonide auquel elle eut juste le temps de souffler l’adresse et le nom d’une amie qui pourrait le recueillir et le cacher. Conduite au local du PPF, 11, rue Jean-Baptiste Blanc elle fut torturée toute la nuit. Profitant d’un moment où ses tortionnaires l’avaient laissé seule, et s’étaient assoupis, elle parvint à s’enfuir par le jardin et demanda à un camionneur qui venait livrer du lait de l’amener à l’hôpital, dont la surveillante faisait partie de la Résistance. Elle fut recueillie par une religieuse de l’ordre de Saint-Vincent-de-Paul, infirmière à l’hôpital de Limoges qui la fit soigner et la cacha dans ses appartements. Quinze jours plus tard, le 27 juin 1944, craignant qu’elle soit découverte, son transfert en ambulance fut organisé vers un maquis FTPF, installé à Dournazac (Haute-Vienne), au sud-ouest de Limoges, à proximité de la Dordogne. Elle fut à une date inconnue, exécutée par les maquisards FTPF qui l’avaient accueillie. L’hypothèse la plus probable est que les chefs FTP aient vu en Renée Gaudefroy une espionne retournée après torture et envoyée pour infiltrer le maquis.

Face à cette « monstrueuse erreur » (Georges Garel op. cit.) qu’ils ne voulurent pas reconnaître, les responsables du maquis FTPF ne consentirent jamais à révéler les causes ni les circonstances de l’exécution pas plus que la date du décès ni le lieu de la sépulture. Les recherches faites après-guerre se heurtèrent à un mur de silence visiblement concerté.

Elle obtint en 1947 la mention Morte pour la France (comme victime civile !). Pour autant son nom ne fut jamais inscrit sur le monument commémoratif de la résistance 1939 – 1945 du jardin d’Orsay à Limoges. Son nom et son action sont rappelés à Yad Vashem à Jérusalem où elle a été reconnue en 1976 Juste parmi les nations (la médaille lui a été remise à titre posthume le 30 mai 1976). Son nom est inscrit sur le mur de l’allée des Justes parmi les Nations, située dans le quartier du Marais à Paris, en bordure du Mémorial de la Shoah. L’Organisation de Secours aux Enfants (OSE) fonda au Vésinet, près de Paris, après la guerre, un orphelinat portant son nom afin de commémorer son souvenir.

 

http://judaisme.sdv.fr/perso/c-yashar/souterr.htm 


"

Rencontre à La Souterraine



Jean-Georges Halin, La Souterraine, 1944

 


Renée Gaudefroy (dite Pauline)
1916-1944
Un vendredi matin de la fin de l'automne 1943, la Gestapo est venue chercher ma famille dans notre logement à Limoges, où  sur la porte d'entrée était inscrit  le nom de Dupuy. J'avais onze ans. J'ai expliqué à la police allemande que nous n'étions pas la famille Hochner. Mais je ne pouvais plus rester à Limoges.

Une assistante sociale Pauline  Gaudefroy est venue me chercher pour me conduire à La Souterraine, à une centaine de kilomètres, dans un internat où étaient cachés sous de faux noms des enfants juifs dont les parents avaient été arrêtés ou qui avaient déjà disparu. C'est  sous le nom de Henri Hochet  que je fus admis, et c'est là que j'ai rencontré  Jean-Georges Halin ; j'apprendrai bien  plus tard que son vrai nom était J-G. Kahn.

Georges Garel et  le Dr. Joseph Weill  avaient créé un réseau pour faire passer des centaines d'enfants juifs dans des refuges clandestins. Pour Jean-Georges et moi,  notre destination fut La Souterraine, petite ville de la Creuse. Là  se trouvaient deux grands collèges laïques, un pour les filles et l'autre pour les garçons. Comme moi, Jean-Georges fut conduit dans ce collège par Pauline Gaudefroy. De temps en temps elle nous apportait des nouvelles de nos parents.

La maman de Jean-Georges,  qui elle aussi devait se cacher,  finit par avoir une place de lingère au collège. Elle disposait d'un  endroit où elle pouvait recevoir son fils, et  améliorer sa nourriture. Elle me recevait moi aussi, ainsi que quelques autres enfants sans famille.  

Nos conditions de vie étaient difficiles  : nous étions logés dans d'énormes dortoirs,  la nourriture et les vêtements étaient  insuffisants. Comme  chaussures nous avions des galoches en bois,  et souffrions de froid et d'inconfort. Et les hivers étaient très rigoureux.

Certains de ces enfants cachés étaient dispensés de la messe, ce qui n'était pas le cas de Jean-Georges : parfois  il était "enfant de chœur", et se rendait donc à l'église.
Les enfants juifs cachés à La Souterraine n'avaient aucun parent dans la région et  ne sortaient donc  jamais le dimanche, ce que  les autres trouvaient bizarre. Mais, obéissant aux consignes, ils dissimulaient soigneusement leur véritable identité et n'en parlaient pas entre eux. Ce n'est que fin 1945 qu'ils purent dire la vérité. 

Un jour, je commis une erreur qui aurait pu être fatale au groupe : je conservais toujours dans ma poche un petit livre de prières en hébreu. Un soir, pendant l'étude, je jetai un coup d'œil furtif sur le livre. Le moniteur de service le remarqua et voulut voir cet objet. Comme je refusai de le lui montrer, il me traîna dans le bureau du directeur qui confisqua l'ouvrage sans explication. Le moniteur, un collaborateur notoire, disparut du collège.

Le directeur, M. Jean-Baptiste Robert, homme de cœur, reçut par la suite le titre de "Juste parmi les nations" à titre posthume. Jean-Georges et sa femme assistèrent à cette émouvante cérémonie, en compagnie de  quelques autres anciens élèves.

Quant à Pauline  Gaudefroy, elle fut arrêtée par des miliciens peu de temps avant la Libération. Elle mourut sous la torture, refusant de livrer la liste des enfants planqués par ses soins. En 1976, Jean-Georges et moi avons présenté à l'institut Yad Vashem de Jérusalem la demande d'inscription de Pauline dans le registre de "Justes parmi les nations", et nous avons planté un arbre en son souvenir.

Ce n'est qu'après la guerre que j'ai retrouvé Jean-Georges  à l'école Maïmonide de Boulogne, dirigée par Markus Kohn. C'est là que j'ai  appris qu'il s'appelait réalité J-G. Kahn.  Nous étions tous deux internes et nous sommes d venus des amis. Il était passé par les mêmes difficultés et avait connu une vie semblable à la mienne. Cela avait créé une affinité qui ne s'est jamais démentie, et qui s'est poursuivie à Strasbourg, puis à Jérusalem,  où il a pris le nom de Yohanan Cohen-Yashar."

 

https://sauvetage.pagesperso-orange.fr/garel.htm 


https://saintyrieixlaperche.wordpress.com/2017/09/03/carnets-secrets-du-maquis-1-et-2/

https://saintyrieixlaperche.wordpress.com/2015/03/03/resistance-maquis-et-liberation-du-departement-de-la-dordogne/

https://saintyrieixlaperche.wordpress.com/2014/11/23/les-acacias-blancs-de-gelsa-du-front-de-lebre-aux-maquis-de-dordogne-nord-christian-belingard/


https://saintyrieixlaperche.wordpress.com/2013/04/05/bataillon-violette-alfred-dutheillet-de-lamothe-capitaine-fred/

 

Aucun commentaire:

 
Site Meter