11 juin 1944. Limoges.
Elle est interpelée. Juste le temps de faire fuir l'enfant qui l'accompagne. Un Juif, comme tous ceux qu'elle a sauvés. Torturée, elle s'évade. Bientôt la victoire! Mais elle est exécutée. Une insupportable méprise. Par le maquis... Renée Gaudefroy. 28 ans.
https://maitron.fr/spip.php?article203910
GAUDEFROY Renée, Céline, Marie, Pauline [pseudonyme Pauline]
Née le 4 mai 1916 à Paris XVIIe arr. (Seine), exécutée sommairement fin juin 1944 par des maquisards FTPF à Dournazac (Haute-Vienne) ; assistante sociale OSE ; résistante réseau Garel.
Renée Gaudefroy était la
fille d’Octave, Jules, Charles, Auguste Gaudefroy (né le 27 octobre 1881
à Saint-Quentin, Aisne) cuisinier à Paris et de Marie Thiault (née le
25 juin 1888 à Ménétréol-sous-Sancerre, Cher) couturière, tous deux
domiciliés 52 bis, rue Gauthey. Ses parents s’étaient mariés à Paris à
la mairie du XVIème arrondissement le 4 février 1909.
Elle vécut toute son enfance et sa jeunesse à Paris, adhérente dans les
années 30 du mouvement des auberges de jeunesse, et de religion
catholique. Renée Gaudefroy fut au début des années 1940 infirmière de
l’hôpital militaire d’Amélie-les-Bains (Pyrénées-Orientales). Par
l’intermédiaire d’une amie d’enfance, Isabelle Vichniac, cousine de Lili
Garel (Élise Tager, femme de Georges Garel), elle se mit au service du
réseau Garel, branche clandestine de l’organisation juive OSE, qui se
consacrait au sauvetage des enfants juifs.
En septembre 1943, quand les Allemands occupèrent la Côte d’Azur suite
au changement de camp de l’Italie, les réfugiés juifs de cette région se
trouvèrent dans une situation critique. Renée Gaudefroy fut volontaire
pour conduire des enfants juifs menacés vers le centre de la France afin
de les y cacher. Georges Garel lui confia alors le secteur de la
Haute-Vienne, de la Corrèze et de la Creuse dont elle devint
responsable. Limoges fut pendant la guerre, après Lyon, le deuxième
plus grand centre de l’OSE, regroupant plusieurs services du réseau.
Renée Gaudefroy, dite Pauline, sous la couverture d’un poste
d’assistante sociale auprès du Secours National, eut à gérer le
démantèlement, suite aux menaces de plus en plus fortes qui pesaient sur
elles, des maisons d’enfants de l’OSE du Limousin. Elle se chargea de
la recherche de lieux sûrs, du convoyage, et du placement des enfants
menacés dans des familles d’accueil et des établissements d’enseignement
possédant un internat (pour la Creuse à La Souterraine, Bourganeuf,
Guéret). Il lui fallait changer l’identité des enfants en leur
attribuant un nom et un prénom "aryens", procurer des cartes
d’alimentation et fournir une aide financière aux personnes ou aux
institutions qui les prenaient en charge et leur rendre régulièrement
visite ("Le jeudi après-midi, à La Souterraine, elle était notre
correspondante et nous emmenait en promenade", témoignèrent pour Yad
Vashem Pierre Vormus et Harry Kujarsky, alors pensionnaires au lycée),
ce qui l’amenait à s’absenter souvent de Limoges parfois pour des
périodes assez longues.
Elle assura également, en les accompagnant jusqu’à la frontière, le
passage vers la Suisse pour les enfants pour lesquels un placement
clandestin était impossible du fait de leur non-maîtrise de la langue
française ou de leur jeune âge.
Ayant peut-être attiré l’attention des services de répression par ses absences répétées peu compatibles avec l’action d’une assistante sociale du Secours national, elle fut arrêtée dans la rue, à Limoges le 11 juin 1944 alors qu’elle déplaçait un enfant en danger, par des membres du PPF (Parti Fasciste Français), collaborateurs français de la Gestapo. Elle parvint à faire s’échapper l’enfant, un jeune de l’école Maïmonide auquel elle eut juste le temps de souffler l’adresse et le nom d’une amie qui pourrait le recueillir et le cacher. Conduite au local du PPF, 11, rue Jean-Baptiste Blanc elle fut torturée toute la nuit. Profitant d’un moment où ses tortionnaires l’avaient laissé seule, et s’étaient assoupis, elle parvint à s’enfuir par le jardin et demanda à un camionneur qui venait livrer du lait de l’amener à l’hôpital, dont la surveillante faisait partie de la Résistance. Elle fut recueillie par une religieuse de l’ordre de Saint-Vincent-de-Paul, infirmière à l’hôpital de Limoges qui la fit soigner et la cacha dans ses appartements. Quinze jours plus tard, le 27 juin 1944, craignant qu’elle soit découverte, son transfert en ambulance fut organisé vers un maquis FTPF, installé à Dournazac (Haute-Vienne), au sud-ouest de Limoges, à proximité de la Dordogne. Elle fut à une date inconnue, exécutée par les maquisards FTPF qui l’avaient accueillie. L’hypothèse la plus probable est que les chefs FTP aient vu en Renée Gaudefroy une espionne retournée après torture et envoyée pour infiltrer le maquis.
Face à cette « monstrueuse erreur » (Georges Garel op. cit.) qu’ils ne voulurent pas reconnaître, les responsables du maquis FTPF ne consentirent jamais à révéler les causes ni les circonstances de l’exécution pas plus que la date du décès ni le lieu de la sépulture. Les recherches faites après-guerre se heurtèrent à un mur de silence visiblement concerté.
Elle obtint en 1947 la mention Morte pour la France (comme victime civile !). Pour autant son nom ne fut jamais inscrit sur le monument commémoratif de la résistance 1939 – 1945 du jardin d’Orsay à Limoges. Son nom et son action sont rappelés à Yad Vashem à Jérusalem où elle a été reconnue en 1976 Juste parmi les nations (la médaille lui a été remise à titre posthume le 30 mai 1976). Son nom est inscrit sur le mur de l’allée des Justes parmi les Nations, située dans le quartier du Marais à Paris, en bordure du Mémorial de la Shoah. L’Organisation de Secours aux Enfants (OSE) fonda au Vésinet, près de Paris, après la guerre, un orphelinat portant son nom afin de commémorer son souvenir.
http://judaisme.sdv.fr/perso/c-yashar/souterr.htm
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Renée Gaudefroy (dite Pauline) 1916-1944 |
Une assistante sociale Pauline Gaudefroy est venue me chercher pour me conduire à La Souterraine, à une centaine de kilomètres, dans un internat où étaient cachés sous de faux noms des enfants juifs dont les parents avaient été arrêtés ou qui avaient déjà disparu. C'est sous le nom de Henri Hochet que je fus admis, et c'est là que j'ai rencontré Jean-Georges Halin ; j'apprendrai bien plus tard que son vrai nom était J-G. Kahn.
Georges Garel et le Dr. Joseph Weill avaient créé un réseau pour faire passer des centaines d'enfants juifs dans des refuges clandestins. Pour Jean-Georges et moi, notre destination fut La Souterraine, petite ville de la Creuse. Là se trouvaient deux grands collèges laïques, un pour les filles et l'autre pour les garçons. Comme moi, Jean-Georges fut conduit dans ce collège par Pauline Gaudefroy. De temps en temps elle nous apportait des nouvelles de nos parents.
La maman de Jean-Georges, qui elle aussi devait se cacher, finit par avoir une place de lingère au collège. Elle disposait d'un endroit où elle pouvait recevoir son fils, et améliorer sa nourriture. Elle me recevait moi aussi, ainsi que quelques autres enfants sans famille.
Nos conditions de vie étaient difficiles : nous étions logés dans d'énormes dortoirs, la nourriture et les vêtements étaient insuffisants. Comme chaussures nous avions des galoches en bois, et souffrions de froid et d'inconfort. Et les hivers étaient très rigoureux.
Certains de ces enfants cachés étaient dispensés de la messe, ce
qui n'était pas le cas de Jean-Georges : parfois il était "enfant de
chœur", et se rendait donc à l'église.
Les enfants juifs cachés à La Souterraine n'avaient aucun parent
dans la région et ne sortaient donc jamais le dimanche, ce que les
autres trouvaient bizarre. Mais, obéissant aux consignes, ils
dissimulaient soigneusement leur véritable identité et n'en parlaient
pas entre eux. Ce n'est que fin 1945 qu'ils purent dire la vérité.
Un jour, je commis une erreur qui aurait pu être fatale au groupe : je conservais toujours dans ma poche un petit livre de prières en hébreu. Un soir, pendant l'étude, je jetai un coup d'œil furtif sur le livre. Le moniteur de service le remarqua et voulut voir cet objet. Comme je refusai de le lui montrer, il me traîna dans le bureau du directeur qui confisqua l'ouvrage sans explication. Le moniteur, un collaborateur notoire, disparut du collège.
Le directeur, M. Jean-Baptiste Robert, homme de cœur, reçut par la suite le titre de "Juste parmi les nations" à titre posthume. Jean-Georges et sa femme assistèrent à cette émouvante cérémonie, en compagnie de quelques autres anciens élèves.
Quant à Pauline Gaudefroy, elle fut arrêtée par des miliciens peu de temps avant la Libération. Elle mourut sous la torture, refusant de livrer la liste des enfants planqués par ses soins. En 1976, Jean-Georges et moi avons présenté à l'institut Yad Vashem de Jérusalem la demande d'inscription de Pauline dans le registre de "Justes parmi les nations", et nous avons planté un arbre en son souvenir.
Ce n'est qu'après la guerre que j'ai retrouvé Jean-Georges à l'école Maïmonide de Boulogne, dirigée par Markus Kohn. C'est là que j'ai appris qu'il s'appelait réalité J-G. Kahn. Nous étions tous deux internes et nous sommes d venus des amis. Il était passé par les mêmes difficultés et avait connu une vie semblable à la mienne. Cela avait créé une affinité qui ne s'est jamais démentie, et qui s'est poursuivie à Strasbourg, puis à Jérusalem, où il a pris le nom de Yohanan Cohen-Yashar."
https://sauvetage.pagesperso-orange.fr/garel.htm
https://saintyrieixlaperche.wordpress.com/2017/09/03/carnets-secrets-du-maquis-1-et-2/
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