lundi 3 janvier 2011

La Chine délocalise en Dordogne. Un fabricant de chaussures asiatique s'installe en France, à Mussidan en Dordogne

La Chine délocalise en Dordogne. Un fabricant de chaussures asiatique s'installe en France.

COIGNARD Jacqueline

Mussidan (Dordogne), envoyée spéciale.
http://www.liberation.fr/economie/0109219404-la-chine-delocalise-en-dordogne-un-fabricant-de-chaussures-asiatique-s-installe-en-france

«Géant France? Connais pas.» La patronne du café de Mussidan finit par se raviser: «Ah, vous voulez parler des Chinois!» Dans ce gros bourg de 3 000 âmes, la nationalité du repreneur d'une usine en déconfiture a effacé sa raison sociale. Il faut avouer que l'histoire ne manque pas de piquant: une entreprise de la province de Anhui (ouest de Shanghai) vient de s'installer là pour fabriquer des chaussures de sport. Mussidan donne dans la mondialisation à l'envers. En une décennie, la Chine est devenue le premier producteur mondial de chaussures, avec une prédilection pour les pantoufles et les chaussures de sport. Nike et Adidas sont de fervents adeptes du «made in China». Et l'empire du Milieu inonde l'Europe de ses articles (23% de part de marché, toutes catégories confondues).

Mussidan connaissait bien le versant «délocalisation» du business. La ville pleure encore le déménagement de son usine Bata au Portugal; l'entreprise qui a compté jusqu'à 3 000 salariés n'en fait plus vivre qu'une centaine. Et Géant France s'est installé dans les locaux désaffectés d'Arma, une affaire familiale de chaussures pour dames qui, à son heure de gloire, employa quelque 400 personnes. A son échelle, Mussidan illustre l'effondrement de tout un secteur dont les effectifs ont dégringolé de 90 000 à 30 000 en vingt ans. C'est donc avec une surprise teintée de méfiance, qu'elle découvre une certaine forme de «relocalisation». «ça coûte dix fois moins cher de fabriquer des chaussures en Chine. Y'a du louche là-dessous», lâche une commerçante que l'inauguration de l'usine, le 1er juillet, n'a pas convaincue. Gai Feng, le directeur de Géant France, sait que l'initiative intrigue. «Quand une entreprise américaine ou européenne s'installe en France, tout le monde trouve ça normal. Nous, on nous regarde avec des lunettes, de haut en bas. Il faut deux ou trois fois plus de temps pour faire passer un dossier et les autorités sont très vigilantes sur le statut et les conditions de retour des expatriés chinois.» Rodé par deux ans de négociations et par les voyages de «dignitaires» dans les deux sens, Gai Feng débite un argumentaire soigné. Marque de chaussures de sport connue en Chine, Géant appartient au groupe Zhong Yuan (4 000 salariés). Zhong Yuan est une société mixte, comme la Chine en compte des dizaines de milliers: 75% de capitaux publics, le reste aux mains d'un investisseur étranger, taïwanais en l'occurrence. «Notre maison mère veut se développer à l'échelle mondiale. Or il existe un très gros décalage culturel avec l'Europe et nos modèles ne sont pas suffisamment adaptés au marché», explique le directeur. Quand on n'a pas la notoriété et les moyens de Nike ou Adidas, il vaut mieux disposer d'une «fenêtre» sur le Vieux Continent pour faciliter le contact avec les stylistes et les acheteurs locaux, argue-t-il. Géant France démarche la grande distribution ( Leclerc, Auchan, Système U...) et les chaînes spécialisées (Décathlon, Go Sport, Kickers...). S'ils s'approvisionnent largement en Chine, ces distributeurs connaissent aussi les limites de l'exercice. A moins de 10 000 paires par modèle, les fournisseurs chinois ne répondent pas aux commandes. Les enseignes sont donc contraintes de stocker de grosses quantités et le réassortiment se révèle parfois périlleux. «Avoir une usine ici permet de réagir rapidement pour de petites quantités», explique Gai Feng, rassuré par l'arrivée des premières commandes tests (Leclerc, Kickers..). Les distributeurs jouent aussi sur l'attrait de l'étiquette «made in France». Mixité, égalité. Ainsi est apparu l'idéogramme chinois de Géant dans une rue de Mussidan. Acheté, aménagé et équipé de nouvelles machines, l'atelier a commencé à fonctionner le 1er avril 1996. Coût de l'investissement initial: trois millions de francs. «Nous pouvons produire 150 000 paires par an, et nous sommes actuellement sur un rythme de 500 à 700 paires par jour selon les modèles», commente Gai Feng. Les aspirateurs d'air ne parviennent pas à dissiper l'odeur de colle dans laquelle évolue l'équipe d'une parfaite mixité: 9 Chinois, 9 Français. La pompe de sport «made in France» se révèle en fait très internationale: style élaboré par un professionnel bordelais, patron développé par un bureau d'étude coréen, semelle espagnole ou italienne, tige (dessus de la chaussure) importée de Chine... Seul l'assemblage est périgourdin. «Mais cela nécessite une trentaine d'opérations très techniques pour assurer la qualité et le look», commente Gai Feng. L'encollage, poste jugé très délicat, a été confié à deux Françaises formées en Chine pendant quinze jours. Le mal du pays. Pékinois d'origine, Gai Feng entame sa dixième année en France. Etudes de français puis de droit à Paris, responsable des licences sur les marchés asiatiques chez Pierre Balmain... il évolue à l'aise dans la région du noyer et du chêne truffier. Les neufs employés peinent davantage et attendent avec impatience le mois d'août pour rejoindre famille et amis. «Anhui est plus fermée que les provinces côtières et il n'a pas été facile de les convaincre de venir ici, d'autant que six d'entre eux sont mariés», explique le directeur. Le vocabulaire de base­ tige, forme, semelle, pointure ­ limite la conversation. Et l'apprentissage sur le tas demande de la patience. Alors la petite communauté vit plutôt en vase clos, reliée au pays par une antenne parabolique, par un abonnement au quotidien Edition nouvelle publié à Paris et par les cassettes et revues ramenées par leur patron. «Ils sont gentils, polis, très discrets», disent les Mussidanais. Au bar des Stars, à 300 mètres de l'usine, on s'amuse de les voir passer à heure fixe. D'abord à pied, et depuis quinze jours sur des vélos flambant neufs. «Ils n'ont pas de permis, alors avec les vélos ils peuvent aller jusqu'à Périgueux», explique Gai Feng. Leur statut de curiosité locale risque de perdurer, puisque seuls trois industriels chinois sont installés en France: une usine de montres à Besançon, et une société de revêtement d'outillage à Châteauroux. A l'inverse, Gai Feng joue déjà les intermédiaires pour deux fabricants de chaussures de Cholet, désireux de s'allier en Chine avec Géant. Et les viticulteurs périgourdins aimeraient bien fournir l'empire du milliard en montbazillac... une spécialité locale beaucoup plus appréciée que le confit de canard par les Chinois de Mussidan.

3 commentaires:

Unknown a dit…

dfae

Unknown a dit…

fdf

Unknown a dit…

Merci de partager la culture chinoise des affaires avec nous. Il ya beaucoup de sujets qui sont vraiment décrits avec beaucoup de délicatesse. S'il vous plaît continuer à partager et nous mettre à jour avec vos sujets authentiques.


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