dimanche 8 août 2010

un petit extrait de "Les carrefours du labyrinthe. La Montée de l'insignifiance

un petit extrait de "Les carrefours du labyrinthe. La Montée de l'insignifiance. Tome 4" (1982 !), de Cornelius Castoriadis, éd. Point Seuil.


"Or le système éducatif occidental est entré, depuis une vingtaine d'années, dans une phase de désagrégation accélérée. Il subit une crise des contenus : qu'est-ce qui transmis, et qu'est-ce doit être transmis, et d'après quels critères ? Soit : une crise des "programmes" et une crise de ce en vue de quoi ces programmes sont définis. Il connaît aussi une crise de la relation éducative : le type traditionnel de l'autorité indiscutée s'est effondré, et des types nouveaux - le maître-copain, par exemple - n'arrivent ni à se définir, ni à s'affirmer, ni à se propager. Mais toutes ces observations demeureraient encore abstraites si on ne les reliait pas
à la manifestation la plus flagrante et la plus aveuglante de la crise du système éducatif, celle que personne n'ose mentionner. Ni élèves ni maîtres ne s'intéressent plus à ce qui se passe à l'école comme telle,l'éducation n'est plus investie comme éducation par les participants. Elle est devenue corvée gagne-pain pour les éducateurs, astreinte ennuyeuse pour les élèves dont elle a cessé d'être la seule ouverture extra-familiale, et qui n'ont pas l'âge (ni la structure psychique) requis pour y voir un investissement instrumental (dont la rentabilité devient de plus en plus problématique). En général, il s'agit d'obtenir un "papier" permettant d'exercer un métier (si l'on trouve du travail).
[...] Autrefois (...) les dimensions du système éducatif (et les valeurs auxquelles elles renvoyaient) étaient incontestables ; elles ont cessé de l'être.
Sortant d'une famille faible, fréquentant -ou pas- une école vécue comme une corvée, le jeune individu se trouve confronté à une société dans laquelle toutes les "valeurs" et les "normes" sont peu à peu remplacées par le "niveau de vie", le "bien-être", le confort et la consommation. Ni religion, ni idées "politiques", ni solidarité sociale avec une communauté locale ou de travail, avec des "camarades de classe". S'il ne se marginalise pas (drogue, délinquance, instabilité "caractérielle"), il lui reste la voie royale de la privatisation, qu'il peut ou non enrichir d'une ou plusieurs manies personnelles. Nous vivons la société des lobbies et des hobbies...
Le système éducatif classique était nourri, "par le haut" par la culture vivante de son époque. C'est toujours le cas du système éducatif contemporain - pour son malheur. La culture contemporaine devient, de plus en plus, un mélange d'imposture "moderniste" et de muséisme."

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