Sur la liste du CREIS des réactions (mais il semble que l'affaire soit dans le sac, trop tard !)
"Bonjour
Je ne comprends pas bien l'objectif. En DUT1, on prend pas loin de 90h
pour couvrir un programme à peine plus ambitieux que celui proposé ici en 30h
pour l'algo, que donnera-t-il dans les faits ? L'architecture en 6h
est aussi très hasardeuse, parce qu'il s'agit de faire comprendre quelque chose
qui ne se voit pas (la mémoire, la représentation des données, les
opérations sur les données) et qu'il ne suffit pas d'en parler pour donner corps aux
grandes fonctions. Et enfin, je trouve contre-productive la confusion entre
programmation et apprentissage d'un langage : ce n'est pas parce qu'on a compris
quelques tournures syntaxiques qu'on a une idée de la programmation.
Il me semble que, s'il s'agit d'avoir une première idée des problématiques informatiques, on ferait mieux de travailler sur des dispositifs plus
accessibles et de les initier à des problèmes de gestion d'information, de
factorisation, de réutilisation, de fiabilité. Par exemple la notion de format, de style dans un (des) texte(s) (voir les
différents styles de Word ou de Open Office Writer, et les CSS), ou
la mise en circulation de feuilles de calcul comportant des formules un peu
sophistiquées.
A condition de ne pas seulement faire mumuse avec deux exemples, on a
sans doute une meilleure ouverture sur les questions informatiques.
Cordialement
François
Francois Lévy
et le message de quelqu'un qui connaît le "système educ nat"
"module seconde informatique et société numérique message 3/3 : qui enseignera ?
Résumé : la question de savoir "qui enseigne" a été me semble-t-il la
principale difficulté qu'a rencontrée l'option informatique des années 85.
Pour le module informatique et société numérique, cette question est pour
l'instant mise au second plan, mais elle se posera.
Il me semble que l'un des obstacles sur lesquels a buté l'option
informatique des années 1985 est la question : qui l'enseigne ?
Cette question est pour l'instant reportée à plus tard dans les débats sur
le module informatique et société numérique décidé par le ministre.
Je répète que je ne suis pas du tout en train d'essayer de compromettre la
mise en place de ce module (si je le voulais, je n'aurais d'ailleurs
absolument aucun moyen pour cela). La décision est prise, il faut
l'appliquer au mieux, en ayant conscience des difficultés.
L'expérience de l'option info fait penser que les difficultés peuvent
surgir sur les points suivants : (J. Arsac, et Claude Pair, universitaire
éminent et aussi recteur, avaient réfléchi à la question, mais sans pouvoir
aboutir).
- faut-il créer une discipline nouvelle, avec son Capes et son agreg.
Certains en étaient fortement partisans. (Essentiellement des profs
d'université en informatique). Je ne connais pas leur position actuelle.
Difficultés à prévoir : création d'un enseignement nouveau dans un contexte
de rigueur, réactions des autres disciplines (à qui va-t-on prendre les
heures et les postes ?), difficulté à créer un service pour un certifié ou
un agrégé sur un enseignement qui comportera sans doute peu d'heures dans
chaque lycée. Et puis (remarque personnelle) un agrégé d'informatique
n'aura-t-il pas une carrière bien meilleure dans l'industrie que dans l'ed
nat ?
- faut-il créer une certification informatique dans certains capes et agreg
? Difficultés : dans quelles disciplines cela serait-il possible ? En math,
sûrement, car les contenus actuels des concours de math donnent une bonne
compétence en la matière. (C'est d'ailleurs la raison pour laquelle
l'enseignement d'informatique science présent dans certaines filières de
classes prépa est assuré en quasi-totalité par les matheux).. Mais est-ce
possible en dehors des maths ? Faut-il créer dans diverses disciplines une
licence avec une composante informatique science ? Et, question
corporatiste : la présence de professeurs ayant une certification
particulière impose de revoir toutes les règles du mouvement et à créer des
fléchages particuliers sur certains postes. Ce n'est pas impossible, c'est
ce que souhaite sans doute le ministre. Sans doute certains syndicats s'y
opposeront-ils fortement. (Ce n'est pas une raison pour ne pas le faire, je
recense seulement les problèmes prévisibles). Faut-il étendre le système en
créant des certifications secondes (en plus de la discipline principale)
dans tous les capes et agreg ?
JM Bérard"
module seconde informatique et société numérique : message 2/3 JM Bérard :
informatique et société
Résumé, au delà des questions relatives à l'informatique et aux libertés,
etc. déjà largement présentes dans le B2i, un enseignement intitulé
"informatique et société numérique" ne saurait se dispenser d'une ouverture
large sur les aspects "sociétaux" du développement de la numérisation.
Le débat sur la place de informatique et société dans le module
"informatique et société numérique" me fait tout à fait penser au débat sur
l'enseignement des sciences économiques et sociales. Les initiateurs de cet
enseignement (à ma connaissance, des économistes et des sociologues de
l'ENS Ulm) considèrent qu'il est vain de considérer les problèmes
économiques comme relevant purement d'une "science" de l'économie, et que
cela ne peut s'étudier qu'en liaison avec une réflexion sur la société, les
divers modes de production, le rapport des individus au système marchand,
etc. Les "économistes", eux, et surtout les milieux patronaux considèrent
que l'économie c'est l'économie et que réfléchir en dehors de ce domaine
'technique" conduit à une mauvaise compréhension (?) de ce qu'est
l'entreprise et ses buts. Compte tenu de l'effondrement actuel d'un système
fondé sur la "pensée" "néolibérale" du 'il faut laisser faire le marché",
j'ai tendance à penser que les partisans de l'enseignement des sciences
économiques et sociales ont ma préférence, et j'ai signé leur pétition pour
le soutien de l'enseignement des sciences économiques et sociales.
Je transpose (de façon certes très simpliste) pour l'informatique : le
lycée a pour objectifs une formation culturelle générale et une formation
de citoyens, pas une formation professionnelle. Cela ne veut pas dire que
l'on ne doit pas y enseigner de la science informatique, on y enseigne bien
les mathématiques, à juste titre.
Cela signifie seulement que, surtout si l'on veut créer des vocations, on
ne peut pas se dispenser de situer tout cela dans les évolutions actuelles
de la société et les incidences d'une "numérisation" généralisée.
D'ailleurs le module que crée le ministre s'appelle informatique et société
numérique.
Là encore, vu mon niveau modeste, je n'aurai pas l'outrecuidance de citer
des noms ou de proposer un programme. Mais comment créer un tel module
sans se préoccuper de donner aux élèves des ouvertures sur ce dont il
s'agit, au delà de la science elle-même : incidences sur les modalités du
travail, les notions de temps et d'espace, la pérennité des modes
d'expression, les échanges entre les groupes et les personnes,
l'organisation sociale, les limites entre transparence et vie privée, la
place de l'Homme dans un réseau de machines, les incidences des
développements de l'informatique sur la création et les contenus mêmes de
la pensée ?
Certains des exposés faits lors du quarantième anniversaire de l'INRIA
étaient sur ce point tout à fait importants. Et ils avaient bien leur place
dans un congrès de l'INRIA !
Une grande partie des questions relatives aux lois sur l'informatique et
les libertés, la propriété intellectuelle, etc. est déjà présente dans le
brevet informatique et internet, dispensé depuis l'école primaire et
obligatoire pour le brevet des collèges. Ce B2i est à la fois ignoré et
contesté, parfois à juste titre. Il serait donc judicieux de revenir un peu
sur ces questions dans le module mis en place par le ministre. Mais les
ouvertures "sociétales" auxquelles j'aspire et qui me semblent nécessaires
vont plus loin.
JM Bérard
Merci à J.M. Bérard de nous avoir autorisé à reproduire ici ses messages