Je lis Jean Teulé, " Crénom Beaudelaire " , Mialet Barrault, 2020
https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Teul%C3%A9
Si l’œuvre éblouit, l'homme était détestable. Charles Baudelaire ne respectait rien, ne supportait aucune obligation envers qui que ce soit, déversait sur tous ceux qui l'approchaient les pires insanités. Drogué jusqu'à la moelle, dandy halluciné, il n'eut jamais d'autre ambition que de saisir cette beauté qui lui ravageait la tête et de la transmettre grâce à la poésie. Dans ses vers qu'il travaillait sans relâche, il a voulu réunir dans une même musique l'ignoble et le sublime. Il a écrit cent poèmes qu'il a jetés à la face de l'humanité. Cent fleurs du mal qui ont changé le destin de la poésie française"
Voici un avis de lecteur :
"Avec sa verve habituelle, Jean Teulé ne déçoit pas en publiant Crénom, Baudelaire !, hommage vibrant au plus grand des poètes.
Pourtant, tout au long du livre, il ne ménage guère son héros, cet homme
qui ne pouvait exprimer son génie que drogué, halluciné, toujours très
désagréable avec les gens qu'il croise.
Sa chute au sortir de l'église Saint-Loup
de Namur, en 1866, ouvre ce roman plein de surprises et
d'enseignements, ouvrage qui permet de lire ou relire les vers du poète,
ce qui est parfait.
Sans délai, le voilà à cinq ans, complètement accroché à sa mère,
Caroline (33 ans). Sa passion pour elle marque à jamais sa personnalité.
Son père a 34 ans de plus que Caroline et décède le 10 février 1827.
Pendant dix-neuf mois, Charles vit une relation passionnelle avec
sa mère qui se remarie avec Jacques Aupick (39 ans), un officier. Cette
rupture est très dure à vivre pour l'enfant, traumatisé par ce qu'il
vit comme un abandon.
Quelques années plus tard, alors qu'il est élève au lycée
Louis-le-Grand, il en est exclu. À vingt ans, Louis-Philippe étant au
pouvoir, il traîne dans les cabarets, clame qu'il veut être poète,
dépasser Racine et Hugo. C'est après avoir agressé son beau-père que
celui-ci l'envoie sur le Paquebot-des-Mers-du-Sud, à Bordeaux pour un an
de navigation. Il vit très mal cette punition. Mélancolique, boudeur,
il est horrifié par le piégeage d'un albatros par les matelots et rédige
un poème magnifique :
« Souvent, pour s'amuser, les hommes d'équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers. »
Toujours coiffé d'un chapeau très original et vêtu comme un dandy, il se
paie une prostituée pour qu'elle le dépucelle. Résultat : une
blennorragie, la chaude-pisse ! Un peu plus tard, dans Le Quartier
latin, une actrice noire l'époustoufle. Cette mulâtresse originaire des
Caraïbes, est grande, une tête de plus que lui. C'est elle, Jeanne
Duval, qui sera sa muse, celle avec
laquelle il vit les plus forts moments de sa vie et les plus
douloureux, lors des ruptures. Elle lui fait cadeau de la syphilis, la
grande vérole, et Charles est pris dans l'engrenage infernal de la
drogue : shit, laudanum, opium, avalant des doses impressionnantes pour
être bien et surtout doper son inspiration géniale. J'ajoute qu'il
dépense sans compter et qu'il est sans cesse la proie des huissiers et
dépend de la générosité de sa mère.
Ainsi, au fil des chapitres enchaînés nerveusement, Jean Teulé m'a fait souffrir avec les déboires de Baudelaire,
m'a enthousiasmé avec ces vers d'une force extraordinaire, m'a révolté
devant l'attitude des bien-pensants qui iront jusqu'à le condamner et
interdire plusieurs poèmes des Fleurs du Mal. Ici, je salue le
formidable courage de son imprimeur, Auguste Poulet-Malassis. Il ira jusqu'à se ruiner pour publier ce poète qui le touche beaucoup.
J'ajoute que Jean Teulé
sait bien faire ressentir la vie dans Paris au XIXe siècle, des plus
beaux salons aux bas-fonds, qu'il démontre bien les bouleversements
créés par Haussmann et surtout permet à son lecteur de rencontrer, dans
le désordre : Félix Nadar, Edouard Manet, Charles Asselineau – son plus fidèle ami -, les frères Goncourt – pas à leur avantage-, Hector Berlioz, Daumier, Gustave Courbet - d'une patience infinie -, Gustave Flaubert, Gustave Doré, Alfred de Musset, Barbey d'Aurevilly, Gérard de Nerval, Eugène Delacroix que Charles Baudelaire,
jamais de bonne humeur, croise chez la délicieuse Apollonie Sabatier
qui tient salon le dimanche. Voilà une belle brochette d'immenses
artistes pour faire honneur au plus grand des poètes qui meurt le 31
août 1867, à 46 ans !" https://www.babelio.com/livres/Teule-Crenom-Baudelaire-/1246584#!
De nos jours, les jeunes doivent comprendre ces histoires. Mais lisent-ils du Baudelaire ? En récitent-ils ?
Lisent-ils Wikipedia ?
https://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_Baudelaire
Je vous en conseille la lecture. Et vous me direz si les portraits de Baudelaire et de Jeanne Duval "collent" aux descriptions de Teulé.
Est-ce que dans les "points de deal", on se promène avec "Les fleurs du mal" sous le bras ?
Avec Jean Teulé, tout est clair ! mais je ne vais pas vous citer les textes qui éclaircissent !
J'ai relu mon Lagarde&Michard sur le XIXe siècle, il y a bien plusieurs pages sur Baudelaire, 26 pages et 3 dessins de Baudelaire représentant Jeanne Duval.
Alors qu'Alexandre Dumas n'est pas dans le Lagarde&Michard !
"Enivrez-vous
Il faut être toujours ivre. Tout est là : c’est l’unique question. Pour
ne pas sentir l’horrible fardeau du Temps qui brise vos épaules et vous
penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve.
Mais de quoi ? De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. Mais enivrez-vous.
Et si quelquefois, sur les marches d’un palais, sur l’herbe verte d’un
fossé, dans la solitude morne de votre chambre, vous vous réveillez,
l’ivresse déjà diminuée ou disparue, demandez au vent, à la vague, à
l’étoile, à l’oiseau, à l’horloge, à tout ce qui fuit, à tout ce qui
gémit, à tout ce qui roule, à tout ce qui chante, à tout ce qui parle,
demandez quelle heure il est ; et le vent, la vague, l’étoile, l’oiseau,
l’horloge, vous répondront : « Il est l’heure de s’enivrer ! Pour
n’être pas les esclaves martyrisés du Temps, enivrez-vous ; enivrez-vous
sans cesse ! De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise."
Un exemple de texte de Baudelaire cité par Jean Taulé
Quelques lignes de Jean Teulé (rappelons que le livre a été publié en 2020 !)
[...] déchiffrant l'un des quatrains griffonné d'une écriture qu'elle sait contrefaite, elle [Jeanne Duval] tombe en arrêt :
Ta Robe, ce sera mon Désir, frémissant,
Onduleux, mon désir qui monte et qui descend,
Aux pointes se balance, aux vallons se repose;
Et revêt d'un baiser tout ton corps blanc et rose."
- Corps blanc et rose ? ... Quel corps blanc et rose ?! Pour qui écris-tu ça, fumier ? Le nom de cette pute ?!
Jeanne roule des yeux féroces et grince des dents derrière l'amant dans le reflet du miroir qui se retourne, bien emmerdé :
- Mais depuis quand tu lis mes vers, toi ?
- Ordure ! Tu as une maîtresse ... au corps blanc et rose ! Raciste !
- Moi ? ...Oh, et puis tu me fatigues. Arrière, la muse trop académique ! Je n'ai plus que faire de toi, bégueule ! [...]
- Je m'en vais ! déclare-t-elle en jetant l'encrier plein et ouvert à la tronche du poète qui s'en trouve aspergée. [...] Charles, lui, se tournant à nouveau devant la glace, contemple son visage dégoulinant d'encre noire qu'il étale, gants ôtés, sur ses joues, son front, son nez, ses paupières, ses oreilles, et tout autour du cou. Il s'en frotte également les mains alors que Jeanne revient (c'est souvent chez les Baudelaire) en s'écriant :
- S'il faut maintenant devenir blanche pour t'inspirer ! ... Dégage du miroir, cabot ! A force de t'y trouver beau, tu vas l'user !
Et c'est à son tour de se peinturlurer la figure et les doigts d'un fard couvrant blanc, comme celui d'un clown, [...] "
"[...] déjà que mon premier éditeur pour le compte rendu du Salon annuel de peinture et de sculpture s'appelait Jules Labitte... que mon second éditeur est Poulet-Malassis, que mes Fleurs sont distribuées par la librairie religieuse Cosnard & Cie ... Labitte, Poulet-Malassis, Cosnard ... si mon défenseur s'était nommé Chères fesse d'ange...
- Le substitut du procureur chargé de votre réquisitoire, informe l'avocat, s'appelle Pinard.
- "Oh, je suis maudit ! " s'exclame Charles (enfin catastrophé par quelque chose, il était temps), alors qu'Asselineau pleure de rire mais le poète se reprend :
- On ne craint rien. Ils ne vont pas tout faire détruire. Quant à brûler des livres, cela ne se fait plus excepté chez les fous qui veulent voir flamber du papier. "
Sur Baudelaire à Bruxelles, il aurait fallu que Teulé lise Vialatte !
J'ai retrouvé Lourcine !
" Le premier hôpital sur le site date de 1832, avec la création d'un refuge pour les orphelins du choléra. L'hôpital de Lourcine, du nom de la rue de Lourcine, est inauguré le 2. C'est à l'origine une annexe de l'hôpital du Midi (hôpital Cochin) destiné aux femmes atteintes de maladies vénériennes2. En 1893, sous l'impulsion de Samuel Pozzi, l'hôpital Lourcine-Pascal prend le nom de Paul Broca (1824-1880), célèbre chirurgien et anthropologue, et est orienté vers la gynécologie."
La première fois ce fut à Poitiers. Les chevaliers de l'Ordre du Vénéré Bitard (Loué Soit-il !) chantaient la chanson de Lourcine. Jean Teulé ne devait pas la connaître, il l'aurait cité dans son livre ! Mais il va beaucoup plus loin dans son livre que cette chanson pour oreilles chastes.
Ma maîtresse est une putain,
Dont le vagin syphilitique
A vérolé l’quartier Latin.
Mais moi, vieux pilier de l’école,
Je l’aime à cause de son mal,
Oui de son mal.
Nous sommes unis par la vérole,
Mieux que par le lien conjugal
Oui la vérole nous assemble :
Sous les mêmes lois, tous les deux.
Nous vivons, nous souffrons ensemble,
Plus heureux que les demi-dieux.
Tous les matins, choquant nos verres,
Nous buvons le Van-Swieten,
Et nous partageons en frères
Les pilules Dupuytren
Nous transformons en Pharmacie
Le lieu sacré de nos amours.
Les plumaseaux (1) et la charpie
S’y confectionnent tour à tour,
Tandis qu’avec le bichlorure,
Elle me fait des injections,
Des injections,
Avec l’axonge( 2) et le mercure,
Moi je lui fais des injections
Délassement de l’innocence,
Je regarde chaque matin
Si quelque nouvelle excroissance
Ne vient pas orner son vagin.
Elle me jette un timide regard,
Timide regard,
Sur mon corps que les syphilides (3)
Ont tachées comme un léopard
Goutte à goutte, de sa matrice,
Comme d’un alambic fêlé,
Son urine suinte et glisse
Le long de son cul tout pelé.
Son con est une casserole
Où fermentent en écumant,
En écumant !
La chaude-pisse et la vérole
En leur fétide accouplement
Sa bouche est un cloaque immonde,
Toujours bavant, toujours puant,
Ont craché leur foutre gluant.
Elle n’est que lèpre et pourriture
Et les chiens qui, dans le ruisseau,
Dans le ruisseau !
Prendraient sa viande en pâture
S’empoisonneraient jusqu’aux os
Ses cuisses ont des reflets verdâtres,
Ses seins sont flasques et flétris,
Dans son con les morpions jaunâtres
Sur le fumier ont leur logis.
Mais moi, j’aime mon amante
Et je voudrais jusqu’à demain,
Jusqu’à demain :
Lécher de mes lèvres brûlantes
Le foutre de son vieux vagin
Nous cesserons tout traitement,
Et, rongés par un vaste ulcère,
Ad patres, nous irons gaiement.
Mais nous ferons une supplique,
Pour être tous les deux portés,
Tous deux portés,
Dans un musée pathologique,
A la section des vérolés
Ces lésions sont variées et trompeuses car elles prennent divers aspects. La syphilis secondaire se manifeste par :
- une roséole (ou roséole syphilitique). Des petites taches roses de 5 à 15 mm sont dispersées sur le tronc de la personne infectée. Elles disparaissent en moins de 10 jours ;
- des syphilides papuleuses. Les papules
caractérisant le stade secondaire sont des formations en relief de
couleur cuivrée. Elles ne démangent pas et sont contagieuses
lorsqu'elles sont ulcérées. Elles peuvent être présentes sur :
- le visage,
- les membres et le tronc,
- les plantes des pieds, les paumes des mains,
- les organes génitaux (les syphilides excoriées sont très contagieuses) ;
- d'autres lésions qui rendent le diagnostic difficile. Celles-ci peuvent avoir la forme d’acné, de dermatite séborrhéique,
d’une alopécie (perte de cheveux) en plaques, de perlèches
(inflammations cutanées localisées aux commissures des lèvres), etc. (Ameli)
Le laudanum est une teinture alcoolique d'opium très addictive1. La préparation à base d'alcaloïdes issue du pavot somnifère (Morphine, Codéine etc.) est surtout prescrite dans le traitement symptomatique des diarrhées aiguës et chroniques, résistantes à tout autre traitement médicamenteux. Cette teinture d'opium, quelquefois adoucie par du sucre, est aussi appelée vin d'opium.
Inventé au XVIe siècle par le médecin suisse Paracelse, ce remède à base d'opium pour lutter contre la douleur, se prépara sous diverses formes, avant que le médecin anglais Thomas Sydenham (1624-1689) n'en propose une formule efficace et simple à produire, qui se généralisa jusqu'au XXe siècle.
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