samedi 18 mai 2013

Notre Vialatte quotidien : L'homme, autrefois, s'intéressait à l'homme

"L'homme, autrefois, s'intéressait à l'homme. Il se passionnait pour son voisin. Il l'étudiait à fond, il se connaissait des vices, son casier judiciaire et son état de fortune. Il lui prêtait de l'argent à 80%. Il lui écrivait des lettres anonymes. Il l'y accusait d'avoir tué son vieux père pour lui voler un saucisson pur porc. Et d'être trompé par sa femme. Il lui accrochait dans le dos un poisson en papier : c'était la loi du 1er avril. Aujourd'hui, c'est l'indifférence : on laisse traîner un garagiste accidenté par une auto pendant huit heures dans un fossé plein d'escargots ; on n'accroche plus de poisson en papier peint aux basques de son chef de bureau. Bref, il semble que l'homme ait perdu tout esprit, tout altruisme et toute initiative."
Alexandre Vialatte, chronique 5244 du 20 mars 1963

http://fr.wikipedia.org/wiki/Casier_judiciaire
http://fr.wikipedia.org/wiki/Poisson_d'avril
http://www.lettre-anonyme.info/exemples-de-lettres-anonymes.html


Raymond Devos :

Monsieur, ou Madame, ou qui que vous soyez,
J’ai longtemps hésité avant de vous écrire cette lettre. Né de père inconnu et de mère incertaine… trouvé dans un terrain vague, je, non soussigné, fus élevé par un bienfaiteur anonyme. Je grandis clandestinement dans un lieu imprécis.
Après avoir fait des études par correspondance dans une solitude complète… je regagnai sans papiers et sans bagages, par une route qui n’est plus sur la carte, un endroit que je ne peux révéler…
Là, j’écrivis plusieurs lettres anonymes à des correspondants lointains…
Sur le point d’être découvert… je m’enfuis dans le désert… d’où je vous écris…
Peut-être souhaiteriez-vous savoir pourquoi je me confie ainsi à vous dont j’ignore l’identité ? C’est dans un moment de dépression… tout simplement ! N’y voyez pas d’autres raisons ! Ne cherchez pas à savoir qui je suis… mon nom ne vous dirait rien.
Et je signe d’une main incertaine :
LE SUSNOMME

1 commentaire:

JoëlP a dit…

Dilemme classique. Faut-il mieux vivre dans un village où tout le monde vous connaît et vous espionne ou dans une ville où tout le monde se fout de vous.

On notera que "tout le monde" est toujours le nœud du problème. Pour paraphraser Huis-CLos (Garcin?) "L'enfer c'est tout le monde".

Évidemment Vialatte est plus drôle que Sartre.

 
Site Meter