On m'écrit :
Un passage du récent ouvrage de Maria Grazia Bajoni, "Les Grammairiens lascifs. La grammaire à la fin de l'Empire
romain", éd. Les Belles Lettres, 2008, p. 92.
" La grammaire et le sexe. Le sexe et la grammaire. Les deux vont toujours
de pair chez les Grecs et les Romains, à telle enseigne que le grammairien
est souvent considéré comme un pervers sexuel à qui les parents répugnent
à confier leurs enfants. (...)
Il existait, dans l'Antiquité, une échelle de l'infamie sexuelle. Une
hiérarchie du déshonneur. A Rome, la sexualité orale était la
transgression la plus grave qu'un homme adulte libre pouvait commettre,
parce que la bouche était l'organe privilégié du citoyen romain, de
l'"orator" : en la souillant par des contacts génitaux, "le citoyen
pervertit aussi toute communication orale par la puanteur de ses paroles.
Il repousse loin de lui ses concitoyens, qu'il agresse de son haleine
comme il les agresserait par des paroles obscènes." (P. Veyne). Le
cunnilingus se présentait comme la pratique la plus infamante : en se
soumettant au plaisir de la femme, l'homme jouait un rôle de passivité
féminisante et perdait sa masculinité sociale ; il s'assimilait à une
femme "fellatrix". La sexualité, comme la grammaire, avait donc en commun
leur haute valeur "politique" : toutes les pratiques et les rôles
érotiques qui pouvaient compromettre le sérieux (gravitas) et l'honneur
(dignitas) du "vir" romain étaient interdits".
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