"Je comprends le tambour (personne ne me refuse une grande intelligence musicale du tambour), j'obéis au clairon, je vibre à la grosse caisse, je m'exalte au violon tzigane, je joue du pianola, et l'orgue limonaire me fait délirer à tout coup, comme un chat dans la valériane, mais je suis moins fort sur la musique à deviner. J'ai donc entendu à ce concert la musique française qui chuintait en fa dièse (et quand je dis dièse, c'est pour la simplification !...), qui éternuait en si bémol, et qui imitait assez bien le bruit de la scie tranchant un sous-vêtement de flanelle dans une gamme atonique renouvelée des Grecs ; mais il m'est difficile de dire si ces chuintements, ces toux et ces chocs de flanelle correspondaient au râle de l'agonie ou à l'éternuement du nageur au soleil. Un vieux monsieur, à la sortie, m'a paru d'une grande compétence : "Cette musique, expliquait-il, en hochant gravement la tête, est bien meilleure qu'on ne croirait l'entendre." Voilà. Exactement comme ce civet de lièvre qui était encore meilleur quand on ne le mangeait pas. Elle déplait à l'oreille, mais avec tant de science qu'elle force la gratitude. Elle ennuie savamment. On ne peut qu'admirer. Elle est faite pour les grosses têtes et non pas pour les grandes oreilles. "
Alexandre Vialatte
Chronique du 6 janvier 1953
Chez Stock, à Paris, « pile, le goût noiseté de la saint-jacques, face, les
notes salines de la prune saumurée »
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Chaque semaine, un journaliste raconte un produit ou une expérience
gustative qui l’a marqué. Comme ce carpaccio sucré-salé, à la carte de
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Il y a 3 heures
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