dimanche 7 février 2016

Sur l'orthographe française

1) La réforme n'aura AUCUN effet positif sur la maîtrise du français et sur l'orthographe pratiquée. Peut-être même un effet négatif du fait de l'existence de deux orthographes. Quand on sait que certains au niveau dit universitaire, écrivent "des rosent", ne font pas la différence entre infinitif et participe passé, etc., il est clair que "LE" problème n'est pas dans les traits d'union et l'accent circonflexe.

2) Avec le retour de la réforme sur le devant de la scène, on peut lire une bonne dose de conneries sur les forums. Conneries parfois difficilement lisibles du fait d'écritures d'une fantaisie étonnante. L'orthographe, la grammaire c'est une atteinte à la liberté, c'est du fascisme. Ou encore, ça empêche de faire de l'informatique ! on n'en a pas besoin pour faire des sciences, etc.

3) Non, il n'est pas nécessaire qu'une langue change pour qu'elle soit vivante. Il est des langues fort vivantes qui n'ont presque pas bougé depuis des siècles ce qu' a rappelé Michel Zink ce matin sur Francinter (nouvelle orthographe).

4) Si les Français écrivent n'importe comment, comment les "non native french speakers" qui font l'effort de lire le français pourront les comprendre ? Je me souviens de collègues britanniques qui n'arrivaient pas à trouver les mots, tels qu'écrits par certains de mes étudiants, dans leur dictionnaire français/anglais. Normal ! Aujourd’hui ils ne pourraient suivre que bien peu de discussions sur les "réseaux sociaux"

5) Oui, il existe des incohérences dans notre vocabulaire écrit. Et les supprimer peut être une bonne chose. Certes on peut y trouver une fantaisie, une coquetterie.Un exemple d'incohérence, connecter vs connexion (à noter qu'en anglais, connexion s'écrit connection)

6) A partir du moment où presque tous les élèves français ignoreront tout du grec et du latin, tout de l'histoire de notre langue... comme leurs enseignants de ... français, il est certain que notre vocabulaire écrit paraîtra totalement fantaisiste. Forcément un truc pour écraser le peuple.
N'entendez-vous pas dire actuellement que si on a deux orthographes autorisées, on pourra repérer les gens du peuple - sous-entendu, c'est le peuple qui aura l'orthographe réformée ? Ah ! Mes grandmères (1) (au diable le trait d'union, il faut le réserver à l'orthographe du Oueb ! ben couillon ! le fameux "tiret" du "6") n'avaient pas leur certificat d'études mais NE faisaient pas de fautes d'orthographe. Je me souviens quand la mère de ma mère, alors très âgée, a fait une (une pas deux) faute dans un écrit,  ma mère l'a immédiatement repérée et s'en est inquiétée. Le malheur c'est que depuis des décennies, les enseignants ont reçu des consignes pour laisser filer. Et ça a réussi. La coupure sociale n'a jamais été aussi importante. 
Vous souvenez-vous quand le terme "intello" est devenu une insulte ? Ça faisait sourire dans les milieux "intellos". Moins chez les enseignants "de base".

Donc, je suis pour qu'on commence à travailler sur une orthographe à l'italienne. On n'y trouve pas de noms commençant par "ph". Je regretterai le "h" (des collègues m'appelaient "h carré"). Dans un dictionnaire italien, le "h" ne tient guère plus d'une page. Vive l'ortografia, l'ortofonia, l'ortogonale, l'ortodossia, l'ortopedia !

7) On pourrait penser qu'aujourd'hui, avec les vocabulaires en ligne (et même les correcteurs grammaticaux) l'accent circonflexe, le nénuphar etc, ne sont pas une difficulté. L'ennui c'est que, pour beaucoup, c'est tout le vocabulaire du français qui est LA difficulté. Je demandais à mes étudiants d'informatique (je dois préciser ) pourquoi ils n'utilisaient pas les correcteurs. Ils me répondaient qu'ils les désactivaient car ils s'arrêtaient à tous leurs mots !

LA solution, la voici : n'autoriser que la saisie vocale des textes. Supprimer les claviers.

Et ce faisant, je suis sûr que bientôt il sera demandé de rendre l'enseignement conforme à l'évolution "technique" (ben oui, " c'est la faute à l'ordinateur", ça marche toujours !) et de supprimer l'apprentissage de la lecture. Car qu'est-ce que la lecture sans la maîtrise de l'écriture ? Plus personne ne lira. Ce sera enfin la fin de Dieu, Allah et consorts. Fini les guerres au nom d'un dieu ou même de plusieurs. Fini le "in God we trust". Il restera le "In Gold we trust" et tout le monde sera d'accord.

En nous aurons enfin la cinquième génération de l'informatique. Nous en rêvions, elle arrive.

Avant on disait "je n'arrive pas à exprimer mes besoins pour que l'ordinateur les prennent en compte". On dira alors "je ne sais pas ce que je veux, ordinateur, peux-tu me le dire".

Et l'on n'entendra plus cette réflexion d'élève à l'enseignant "Ah ! s'il faut réfléchir, alors !"


(1) Etant toujours embêté avec les accords pour les noms composés avec le trait d'union, je vois bien tout l'intérêt de cette réforme. Quand on a fait un peu d'allemand on est habitué aux concaténations de noms sans traits d'union.


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On m'écrit :

Je suis d'accord avec tout.

J'ajoute : il y a toujours, et il y a toujours eu, une très grosse épreuve
d'histoire de la langue française au Capes et aux agrégations de lettres.
A l'oral pour les lettres classiques, et à l'écrit pour les lettres
modernes. Cette épreuve est vraiment sérieuse et très sélective. MAIS le
ministère (Peillon) nous a demandé de la supprimer, au moment de la
réforme des Capes. Le jury a refusé, malgré les pressions [...]

Du coup, l'épreuve existe toujours, mais le ministère nous a
imposé un coef. fort amoindri. (Pour les concours, le ministère a hélas la
main sur les coef., le jury ne peut rien dire).

C'est donc devenu un problème, alors que cela ne l'était pas autrefois.
Quand j'ai passé les concours, il fallait 1 an pour "avaler" les manuels
de phonétique historique. Dur, dur. On ne faisait que cela de toute
l'année. Mais cela rapportait gros ! C'était précisément l'épreuve qui
permettait de faire la différence, car en littérature on avait tous plus
ou moins le même niveau. Aujourd'hui, l'épreuve de phonétique historique
rapporte UN point ! Les étudiants ne sont pas fous. Ils ne vont pas passer
un an à avaler de gros manuels compliqués pour UN point. Pour obtenir un
concours qui est aujourd'hui... donné...

Mon stagiaire me disait l'autre jour : il y a 5 ans, la librairie U. avait
6 casiers d'étagère sur l'histoire de la langue. Il y a deux ans : 4,5
casiers. Aujourd'hui : 1,5 "

2 commentaires:

jp la rapieta a dit…

Bonjour,

vous me demandez mon avis sur la réformette, je n'en ai pas, mais si je devait réformer, voici mon programme :
- suppression des « th » et « ph » qui ne servent à rien,
- suppression des exceptions du style « bijou(x), caillou(x)... »,
- suppression des doubles lettres lorsqu'elles ne se prononcent pas,
- généralisation des pluriels en « s », par exemple « les chevaus »,
- « rationalisation », si possible, des familles de mots sur le modèle de « connection - connecter » (comme c'est plus ou moins le cas en occitan)

La langue gagnerait en simplicité d’apprentissage, elle se « latiniserait » un peu plus et permettrait un passage plus aisé avec ses cousines.

JPB

Aredius44 a dit…

Ça me va bien.

Et si l'on doit prononcer en français chic "année", anée, que l'on supprime un "n" !

Sinon, que la prononciation en soit celle des limousins et autres occitans, an née !

 
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