En rangeant mes clés USB, je retrouve ce texte.
Paris en mai 68, Poitiers autour et alentours de 68
Je suis parti de
Poitiers avec un ami de la Cité U Descartes (son père était
gendarme).
Nous avons fait la route en stop. Le stop, je l'ai
beaucoup pratiqué pendant mes études ... ainsi que le solex.
Nous
sommes arrivés à Paris par une belle après-midi. C'était notre
premier séjour à Paris. J'avais fait en stop le tour de l'Europe
mais pas vu Paris.
Je me souviens du Louvre, de Notre-Dame ...
Et je fus étonné des murs crasseux !
Notre premier lieu visité fut la Halle aux Vins (la fac de
sciences). …
Je me souviens de discussions la nuit près de la fontaine en bas du Boul'mich. Un vieux monsieur polytechnicien dont le père
était ouvrier agricole et qui grâce aux instits, aux profs du
lycée était devenu ingénieur discutant avec des étudiants au
sujet de l'"université de classe", de l'"université
bourgeoise"... Ça discutait partout …
Nous avons fait le tour des lieux dont parlait la radio.
L'Odéon, la fac de droit d'Assas. Nous avons passé la nuit à
dormir dans la fac. La nuit a été tranquille. Mais il y avait une horloge qui avait un affichage comme celui qu'on avait dans les gares. Le passage de minutes faisait du bruit.
Nous étions dans la cour de la Sorbonne quand De Gaulle a
fait son discours. Nous avions dû aller au bureau des Katangais.
J'ai perdu mon "autorisation de photographier" qui me fut
octroyée alors. Mon copain avait peur qu'on lui demande ses papiers
qui portaient son adresse : une gendarmerie.
Nous sommes
partis voir la manif sur les Champs Élysées suite au discours de De
Gaulle. Je me souviens que dans la Sorbonne il y eu une certaine
débandade.
Je ne sais plus où nous avons pu dormir la seconde nuit.
Peut-être que nous n'avons dormi qu'une nuit à Paris. Nous avons
beaucoup marché. Je n'ai connu ni le métro ni le bus parisien !
Quand l'essence est revenue, les relations dans les rues
furent moins sympathiques. J'ai raconté ici notre retour en stop à
Poitiers.
A Poitiers, je me souviens d'une AG où se sont
pointés bien des étudiants que nous avions rarement vus sur les
bancs des amphis.
En 68, entrait en vigueur une loi qui disait qu'on ne pouvait faire la première année (les deux premières années) en plus de 4 ans (ou quelque chose d'approché).
Cette loi me semble avoir été très importante dans le départ des « grèves » d'étudiants, au moins en province. Je n'ai jamais vu ce point signalé dans les papiers publiés lors des anniversaires de mai 68.
Alors les étudiants concernés (j'en connaissais de vrais fils de riches bourgeois), ont été pour la suppression des examens. Nous étions plusieurs à ne pas apprécier. Ceux qui travaillaient un mois pendant les vacances puis pendant un autre mois voyageaient. Et qui étaient reçus à la première session.
Les profs
(démagos, je l'ai compris en septembre) n'ont rien dit ou ont suivi
la majorité de l'AG faisant comme si ils étaient d'accord avec des
revendications comme celle leur demandant d'éviter la loterie de
certains sujets d'examen : un sujet sur un chapitre ou même
seulement un paragraphe d'un cours. Il y eu de beaux discours. Même
des discours relatifs à la pédagogie (!?).
Et en
septembre, les sujets distribués furent ... ceux de juin. Sans
doute pour économiser du papier et protéger des arbres. Ben couillon ! comme on dit à Poitiers, ben dame ! comme on dit à Nantes ! et boudu con ! comme on dit à Toulouse.
Ma
première manif en 68 fut de passer sous les amphis de la fac (face
à Notre Dame la Grande) avec des panneaux sur lesquels était
inscrit : " point, retour à la ligne". Mais tous les
cours ne tombaient pas sous cette critique ! Mais beaucoup
ressemblaient à une dictée. Je me souviens d'un prof dont un courant d'air avait fait tomber des feuilles. Sans difficulté il a sauté plusieurs pages.
Je me souviens que Hughes
Aufray devait faire un concert (il me semble sur la place de la fac
de droit) et qu'il fut annulé et remplacé en discussion. Mais
c'est vague dans ma mémoire.
Tout n'était pas bon
avant 68. en Sc. Éco, il n'y avait pas de stages, les TD (quand il
y en avait) en sciences éco (sauf ceux de maths et de proba)
n'avaient de TD que le nom. Je me souviens. L'assistant (qui
ignorait ce que faisait le prof en cours) distribuait lors de la
première séance, une liste d'exposés et demandait qu'on lui donne
une liste d'affectation. Puis fixait le calendrier des exposés.
Avant la fin de chaque séance, il s'assurait que l'étudiant qui
devait faire le prochain exposé serait bien présent. Lors de la
séance, il n'y avait aucune critique (je connais de mes étudiants
qui auraient très apprécié !), aucun conseil. Pas d'information
sur les débouchés (j'ai eu de telles infos quand j'ai fait l'IAE).
En sciences éco on était formés pour devenir ministre des
finances !
Quelques uns d'entre nous, avaient passé un
concours des Impôts. Ils étaient payés pour suivre la licence.
Ils avaient quelques cours aux Impôts par mois. Et s'ils n'étaient
pas reçu au concours à la fin de la licence, ils étaient libres
de faire ce qu'ils voulaient. Et ils avaient souvent une voiture qui
nous permettait de sortir du campus le we.
Mais
finalement, on a dû se débrouiller et comme j'ai enseigné
l'informatique à une époque où dans ma spécialité, il n'y avait
pas de livres, j'étais ...formé !
C'est aussi parce que
j'avais vécu cela en fac que j'ai choisi d'enseigner en IUT où
j'ai pu travailler (le terme est trop dur ! J'y ai pris bien du
plaisir) en toute liberté et pleine responsabilité. Et ma
formation m'a bien servi. Je me sers toujours de tous les cours que
j'ai suivis en fac. L'enseignement qui manquait est celui de
logique. Et surtout un apprentissage de l'abstraction à partir du
réel. J'ai été particulièrement choqué par des "modèles
économiques" où un épsilon "expliquait" 80 % du
phénomène. Disons un esprit d'ingénieur. Ou un peu plus de
science. En fait, la France avait des ingénieurs économistes de
très bon niveau. Mais l'enseignement n'avait guère évolué.
A
la Cité U
J'étais président de l'asso des résidents
de la Cité U Descartes (Monsieur Bouffard en était le directeur),
le CERCUD (cercle des résidents de la CU Descartes). A Poitiers,
j'ai vécu à la Cité U Rabelais puis à la Cité U Descartes. J'en
suis très fier. Rabelais, Descartes ! A la Cité U je me
souviens des GTU (Groupes de Travail Universitaires) dans les
"salles de travail". En mai, je me souviens des dimanches
où des carabins commençaient à travailler dès 4- 5 heures du
matin. Quand on en avait marre, l'un de nous allait chercher un
copain pour une partie de ping-pong et une bonne suée.
Alain Mercier
(étudiant en droit, frère d'un ancien Grand-Maître de l'Ordre du
Bitard (L.S.T)) a monté une discothèque où il y avait pas mal
d'orgue dont il était amateur. Nous avions obtenu un abonnement au
Monde où Jacques Fayau m'a trouvé une annonce d'un stage
"Connaissance de la Suède". Un stage extra organisé par
l'Université de Stockholm (participants divers dont des députés
français). M'intéressant aux tarifs publics (mon mémoire a porté
sur Déficit et tarification à la Sncf), j'ai pu rencontrer le
ministre des transports ...
Nous avons organisé l'expo des
dessins du Canard Enchaîné.
Quand j'étais en DES, j'ai été
veilleur de nuit à la Cité U (pas très longtemps : le matin je
n'arrivais pas à me réveiller et le boulanger trouvait la porte
close quand il portait le pain pour le petit déj). Veilleur de
nuit, j'en ai vu des choses ...
Je me souviens d'un étudiant
(?) japonais qui liquidait plusieurs bouteilles de cognac (Napoléon,
napoléon était ce qu'il connaissait le mieux en français) par
jour. Sa chambre en était pleine. Un jour de chaleur, il reçut une
"bombe d'eau" (je ne sais si cela se pratique toujours)
... et tira avec une arme à feu en direction de la fenêtre d'où
était partie la "bombe"...
Je me souviens que
certains entraient avec un fille mais passaient à quatre pattes
pour se cacher du veilleur. Et pourtant, ils étaient majeurs pénal.
Ils étaient bons pour le service. Et j'avais des étudiants dans ma
promo qui avaient frôlé la guerre d'Algérie ...
Je me
souviens du veilleur de la Cité Rabelais et ses "ben
couillons", "vingt dieux la belle église", du
"bizuth Magnan" qui les soirs de printemps faisait le tour
de la cité en proclamant "dormez dormez braves gens, que le
seigneur Dieu vous ait sous sa sainte garde". Et des semaines
estudiantines, du Grand Bitardier ramené des bois de Chanteloup sur
un tonneau tiré par un cheval pour défiler dans Poitiers. Des
visites nocturnes aux Moines de Ligugé et des discussions
philosophiques autour des verres servis par les moines, des
"déjeuners" sur la Pierre Levée. ... des "Monsieur
l'étudiant" des coiffeurs, des commerçants ...
De
l'époque d'avant le self-service au RU. Les filles ne devaient pas
aller chercher l'eau (sinon concert de cuillères sur les pots à
eau métalliques). Elles devaient donc se mettre à des tables
mixtes. J'ai appris beaucoup de choses à table au RU, surtout quand
je tombais à une table de carabins rentrant de gardes.
P.S.
Je n'ai pas entendu sur les ondes radio cette vérité
mathématiques : 68 a annoncé 69 !
Le chanteur n'a pas
manqué de le remarquer !
La numérologie, voila la
science qui doit pénétrer nos universités. Si elles veulent être
"au monde", "dans le monde". Madame le Ministre,
à vos comités théodules. Pas de problème pour trouver des
membres. Bien des profs seront fort heureux de quitter leurs classes
pour les lambris du ministère.
P.S. Et la "société
de consommation" ?
Quid 40 ans après ? et dans l'"après
68". Succès ou échec des discours ?



















