mercredi 9 novembre 2011

Extrait de "De l'esprit de cour. La malédiction française"

Extrait de "De l'esprit de cour. La malédiction française"
de Dominique de
Villepin, Librairie Académique Perrin, 2010.

***

"Le paradoxe, qui trouve bien sûr son 
expression la plus achevée sous le
règne de Louis XIV, c'est que la cour de constitue en un lieu
d'asservissement, de domestication de ces hommes qui ont souvent de
grandes qualités, voire de grandes âmes. La cour est un instrument dans la
main du roi, qui peut y jouer des divisions, des intérêts, et flatter, ou
au contraire disgracier. La cour a donc pris une forme ambivalente, dont
la classe politique et les fonctionnaires - hélas ! - restent encore
profondément marqués de nos jours : l'esprit de sujétion cohabite avec
l'idéal de service.

Au bout d'un certain temps, l'idéal de service se corrompt dans la
docilité. A tout le moins, les courtisans sont écartelés entre cette
légitimité qu'ils accordent au bon plaisir du monarque (ou du Président de
la République), et cet idéal de service qui les rassemble. L'idée, c'est
que servir le monarque d'une part, se mettre en situation d'être servi par
lui d'autre part, et enfin servir la France constituent une seule et même
vocation. Or, rien n'est plus faux : il n'y a aucune place pour
l'apparition d'un De Gaulle dans ce raisonnement. Lui a desservi ses
intérêts personnels immédiats, a desservi le pouvoir qui s'établissait
dans la défaite, et pourtant il a servi la France. L'apothéose actuelle de
la corruption du devoir de service se cache dans la triste "obligation de
réserve" que l'on tente d'imposer aux agents de l'Etat. Elle ira sans
doute croissante, car il y a un besoin français d'un pouvoir fort,
incontesté. Le pouvoir ressent donc cette nécessité de se renforcer, de se
transcender en permanence pour se perpétuer, se relégitimer. Pour répondre
à cette demande constante de notre peuple, l'Etat accroît ses pouvoirs, le
roi accroît son pouvoir, et l'organisation de la cité tournera de plus en
plus autour de lui au fil du temps. L'Etat veut tout le pouvoir, et il
l'aime pour lui-même. La cour et ses ministres ont une passion du pouvoir.
(...) Dès lors, la question qui se pose est de savoir comment éviter que
la cour, qui stérilise tout ce qui n'est pas elle, dont le génie étrange
est d'ignorer ce qu'elle gouverne, se reconstitue dans les différentes
enceintes du pouvoir, à Versailles aussi bien qu'à l'Elysée."

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