" Pour les amateurs d'annexion de la Nouvelle-Calédonie, je dirai donc Mgr Douarre. Il était de Job, ou de La Forie ; son père, un pauvre ouvrier papetier. Un jour, il monte sur un pilon de la papeterie ; il pouvait bien avoir huit ans. Le pilon se met en action. Il manque de tomber dans la cuve et tourner en pâte à papier. A l'heure présente, tatouage effrayant, nous écririons peut-être encore sur le cadavre de Mgr Douarre ; on le distribuerait à la poste ; l'idée d'un corps si plat impressionne l'esprit. Dans une telle passe, à cheval sur son marteau, il fait vœu de se faire missionnaire. Il en réchappe. On le nom évêque. Évêque de quoi ? de l’Océan, d'îles à chercher. Évêque d'un diocèse introuvable. Évêque de rien. Il y va. Il plante un drapeau sur sa case. Les anthropophages l'examinent. Nulle civilisation. Ces affreux paroissiens mangent de l'homme le vendredi. Mais, comme il est très maigre et protégé de Dieu, tout fibreux, à force de jeûnes (et d'une fibre bien auvergnate sur laquelle les dents s'émoussent, sauf peut-être celle de Kaeppelin, mais Kaeppelin n'est pas encore né), il en échappe par un miracle à la gourmandise des fidèles. L’Église le blâme de son drapeau qu'elle taxe de nationalisme. Mais douze années plus tard, la France annexe l'île. Cent ans plus tard, c'en est le centenaire ; et Pourrat en fait un livre,
L'Épopée de Guillaume Douarre, à paraître prochainement. Si bien que deux ministres et le nonce du pape viendront à Ambert, cet été, fêter tant d'îles, de folklore et de Nouvelle-Calédonie. "
Alexandre Vialatte, chronique du 23 décembre 1952
https://fr.wikipedia.org/wiki/Dominique_Kaeppelin
"l rencontre
Alexandre Vialatte en 1945 en
Allemagne8, lors de la fin de la
Seconde Guerre mondiale,
où tous deux y étaient correspondants de guerre. Cette amitié durera
jusqu'au décès de Vialatte en 1971. Leur correspondance sera en partie
éditée, et
Alexandre Vialatte,
dans ses chroniques journalistiques, évoque à plusieurs reprises le
travail de son ami Kaeppelin. Il l'évoquera aussi, accompagné de ses
sculptures, lors de son passage en 1969 à la télévision, durant
l'émission de
Remo Forlani L’Invité du dimanche.
Leur amitié déborde sur le travail de Kaeppelin, puisque pour ses
œuvres sculptées d'animaux, ses bestiaires, Vialatte invente des noms
pour ces animaux fantaisistes
8,
et ensemble, à partir de ces noms, en font ensuite des sortes de
définitions cocasses. Ce travail croisé sur les bestiaires de Kaeppelin
seront édités par deux fois : en 1969, avec une préface de Vialatte, et
en 1983. Ces bestiaires seront aussi exposés à diverses reprises.
Dans
Bestiaire de Philippe Kaeppelin,
Alexandre Vialatte écrit :
« Kaeppelin est sculpteur jusqu’à l’os. Il n’imagine que par volumes.
Il ne voit jamais qu’avec ses doigts. Il refait la réalité… La réalité
frappe son regard, puis sort de ses doigts, réinventée comme une
plaisanterie monstrueuse. Ironique, caricaturale, bougonne, cocasse et
tourmentée. C’est pourtant elle, à n’en pas douter. Poétique, lyrique,
compliquée : simplifiée en même temps. Synthétique et charmante. Elle
tient du cauchemar, de
Daumier, de l’humour noir, et du rire d’enfant. »
Philippe Kaeppelin réalise une sculpture de la tête de Vialatte, en son hommage
9 : elle est exposée en extérieur, près de la gare d'
Ambert (
Puy-de-Dôme), où a vécu l'écrivain, et où il est inhumé."
https://fr.wikipedia.org/wiki/Philippe_Kaeppelin