mercredi 3 juillet 2013

Alexandre Vialatte : aujourd'hui c'est le timbre-poste qui, lorsqu'il en a besoin, fabrique une République

"On ne sait où ira le timbre. Autrefois, on le collectionnait pour son odeur géographique : il apportait le parfum des îles ; c'étaient collections de collégiens. Puis on le collectionna parce qu'il était rare ; on le chercha propre et non oblitéré ; on le voulut par "coins" entiers, coûteux et frais ; ce furent des collections de banquiers. On le collectionne aujourd'hui par sujets : les fleurs, les fruits, les kangourous ; ce sont des collections d'artistes. Peu à peu, il envahit tout ; le monde est aux ordres du timbre. Ecoutez ce qui s'est passé : l'Imprimerie nationale d'Autriche vient de livrer  l'Amérique, sur une commande de la firme Stolow, quarante-cinq séries des timbres-poste de la république de Maloukow (Moluques du Sud) que les collectionneurs s'arrachent. Et ce qu'il y a de beau dans cette histoire, c'est que l'Etat de Maloukow (Mouluques du Sud), qui a tant besoin de timbres, est un pays imaginaire. On va être obligé de créer cet Etat pour justifier ces timbres-poste. Autrefois les Etats créaient des timbres-poste, aujourd'hui c'est le timbre-poste qui, lorsqu'il en a besoin, fabrique une République. "

Alexandre Vialatte, chronique 111 du 8 févirer 1955

1 commentaire:

JoëlP a dit…

Hélas le timbre est souvent devenu vignette payée au pèse-lettre qui ne dit même pas merci.

 
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