lundi 10 octobre 2016

Ce que Napoléon disait à Victor Hugo par la table tournante


Gallimard a édité , pour la 1e fois, les comptes
rendus (exactement : les procès-verbaux) des tables tournantes de Victor
Hugo ), sur son île de Guernesey. 
Un extrait, sans plus attendre, pour votre édification (politique ?) :

***
11 septembre 1853, P.-V. d'Auguste Vacquerie.

La table frappe deux fois

- Qui est là ?
- Je suis l'autre.

- Qu'entends-tu par l'autre ? Qui es-tu ?
- Napoléon

- Lequel ?
- Le grand.

- Ah Napoléon ! Tu sais que je t'admire ! Maintenant à qui veux-tu parler ?
- A la lyre

- Nous sommes deux poètes ici, auquel veux-tu parler ? Est-ce à moi,
Victor Hugo ?
- Oui.

- Bien, je te remercie. As-tu une communication à me faire ?
- Oui.

- Parle, je t'écoute.
- Vous ne devez pas cesser d'espérer. Je suis mort, mais la France n'est
pas morte. Vous ne devez pas cesser d'espérer, la France n'est pas morte,
elle renaîtra.

- Je comprends. Napoléon, es-tu parmi les âmes heureuses ?
- Oui.

- Je trouve cela juste. Peux-tu me parler de la sorte de vie à laquelle tu
appartiens maintenant ?
- Oui.

- Ici, nous croyons en un Dieu unique, peux-tu le définir ?
- Un regard infini dans l'oeil éternel. Dieu est bon est n'a jamais été
irrité contre nous. Tous ses regards d'amour sont pour vous, taupes
aveugles ! Ces yeux que vous dressez hors de vos enveloppes sont des
cornes pour l'homme et sont des télescopes pour les cieux étoilés.

- Peux-tu me parler de la vie des âmes ? Es-tu dans la lumière ?
- Oui.

La table frappe deux coups.

- Ici, il fait nuit. La nuit existe-t-elle pour toi ?
- Oui.

- Pourras-tu revenir me voir de jour ?
- Non.

- Pourquoi ?
- Parce que la nuit, le ciel est plein d'âmes.

- Ah. Et que deviennent ces âmes, le jour ?
- Elles vont ailleurs.

- Où vont-elles ?
- Dans les autres nuits.

- Mais, si les âmes sont toujours dans la nuit, comment peuvent-elles à la
fois être dans la lumière ?
- La nuit est plus lumineuse que le jour.

La table frappe deux coups.

- Dis-moi Napoléon, dans cinquante ans, l'Europe sera-t-elle démocratique
ou cosaque ?
- Démocratique.

- Faut-il craindre les cosaques ?
- Oui, mais après l'année deux mille seulement, quand leur Empire renaîtra
du grand sommeil.

- Et en France, qui succèdera à Napoléon III ?
- La République.

- Sera-ce seulement la République française ou bien la République
européenne ?
- Bientôt l'Europe. Mais il y aura deux autres petits Napoléons auparavant.

La table fait alors des mouvements tellement violents qu'il est impossible
de la faire retomber quand elle est debout. Madame Hugo effrayée.

- Napoléon, es-tu toujours avec nous ?
Silence.

- Parle-nous, nous t'écoutons.
Silence.

Rotation de la table, sans reprendre. François-Marie Hugo fait remarquer
que cela tient peut-être à une diminution du fluide.

- Es-tu gêné ? Est-ce que tu ne peux plus nous parler ?
Silence.

- Napoléon, es-tu toujours avec nous ?
- Demain, ton ami le Lion d'Androclès reviendra te voir. Maintenant
laissez-moi retourner à ma nuit.

- Merci Napoléon. Je suis très heureux que tu m'annonces une nouvelle
visite du Lion d'Androclès. Reviens-nous voir quand tu le voudras.

Clos à 1 1/2 du matin. Tempête en mer.

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