» Nous cultivions la peur, nous cultivions le vertige, soit par
désœuvrement, soit par goût du frisson. Sur la fin des caniculaires
journées, nous contemplions les jardins, les rails du chemin de fer, la
passerelle de la gare, et rien n’exprimera jamais pour moi l’aridité ni
la mélancolie d’une façon aussi aiguë que le topinambour solitaire qui
dressait sa rosace jaune au bord du ballast enfumé près de la gare des
marchandises . »
Alexandre Vialatte, La dame du Job, page 60
« L’avocat et voyageur
Marc Lescarbot, qui embarque en
1606 à
La Rochelle avec son ami
Jean de Poutrincourt, atteint la colonie française de
Port-Royal où Champlain lui fait découvrir le tubercule. Il en évoque le type, soit «
une sorte de racine, grosse come naveau ou truffe » — d’où son autre appellation « Truffe du Canada » — «
ayans un gout retirat des cardes, voire plus agreable,
lesquelles plantées se multiplient come par dépit, et en telle façon que c’est merveille« . Il en rapporte en France en 1607
3,4.
Sa diffusion en Europe se développe rapidement grâce à sa culture facile, sa rusticité et sa forte
multiplication végétative, même dans des sols pauvres. Il est appelé
poire de terre dans le
Traité des aliments de
Louis Lémery en 1702
5.
Ce tubercule à la mode est mis à l’écart à la fin du
XVIIIe siècle lorsque la promotion de l’agronome
Antoine Parmentier fait de la pomme de terre, aliment plus calorique, la reine des tubercules
6.
Durant la
Seconde Guerre mondiale, sa consommation augmente, car le topinambour, tout comme le
rutabaga (Brassica napus subsp.
rapifera), n’est pas réquisitionné
7 au titre des indemnités de guerre à verser à l’Allemagne – à la différence de la pomme de terre.
Le topinambour a longtemps gardé une mauvaise réputation :
utilisé pour nourrir le bétail ou associé aux aliments de disette et aux
souvenirs de guerre dans certains pays d’Europe, ses détracteurs le qualifient de mou et fade. Sa richesse en fibres et en inuline peut engendrer des flatulences. Au début du
XXIe siècle, ce tubercule suscite un regain d’intérêt dans le cadre de l’engouement pour les
légumes oubliés. Il est notamment réhabilité par des
chefs de cuisine et sur les marchés où il est vendu parfois sous l’appellation d’« artichaut de Jérusalem »
8.